Paul VERGES: “Le processus de blocage engagé en Guadeloupe peut tout faire craindre”
Thématique :
La Reunion
CLICANOO.COM | Publié le 19 février 2009
“Jamais dans les départements d’Outre-mer ou dans n’importe quel département français, il n’y a eu une telle cohésion se maintenant sur une telle durée, 1 mois en Guadeloupe, 15 jours en Martinique. C’est le signe éclatant qu’on ne peut plus continuer à faire la même politique de rafistolage par des mesures d’assistanat social”, dixit Paul Vergès, le président de la Région qui, pour le Journal de l’île, s’exprime sur la crise sociale aux Antilles ainsi que sur la tension qui règne localement.
Comment expliquez-vous l’importance et la durée du mouvement social qui sévit aux Antilles ?
“Je pense qu’il faut avoir une analyse globale et une perspective historique. Il y a déjà eu dans le passé des poussées de fièvre aux Antilles et à La Réunion. Aujourd’hui, il y a eu au départ une donnée conjoncturelle : un prix du carburant trop élevé par rapport à la baisse du prix de baril et aux prix du carburant dans les pays voisins. La Réunion a connu cette revendication, qui s’est ensuite exprimée en Guyane, puis aux Antilles. Mais le fait nouveau est que ce qui était latent dans ces premières manifestations s’est manifesté ouvertement et a révélé un sentiment de frustration générale portant sur les aspects de la vie quotidienne : niveau insupportable de l’augmentation des prix, augmentation du chômage, perte de confiance dans l’avenir. D’où cette longue liste de revendications soutenues par des dizaines d’organisations, syndicales, associatives, politiques. Ce qui était latent a donc éclaté au grand jour.
Pensez-vous que cette crise puisse se propager à La Réunion dans les jours à venir ?
Il est significatif que ce qui est parti de la Guadeloupe, puis propagé à la Martinique et à la Guyane s’étend à La Réunion. Qu’est-ce que cela traduit ? C’est la manifestation évidente que la majorité de la population de ces régions n’a plus confiance dans l’organisation économique et sociale de leurs sociétés ni dans l’avenir. La formulation de ces revendications immédiates marque l’état très grave de la précarité de ces populations, mais leur addition, leur globalisation montre que ces sociétés ne sont plus en état de fonctionner. Jamais dans les départements d’Outre-mer ou dans n’importe quel département français, il n’y a eu une telle cohésion se maintenant sur une telle durée, 1 mois en Guadeloupe, 15 jours en Martinique. C’est le signe éclatant qu’on ne peut plus continuer à faire la même politique de rafistolage par des mesures d’assistanat social. Ce que je viens de dire montre à l’évidence que le pouvoir, devant des structures politiques dépassées, craint avec raison l’aggravation d’une situation désormais sans contrôle. Le processus de blocage engagé en Guadeloupe peut tout faire craindre. En ce qui concerne l’extension possible à La Réunion, qui, à la veille des actions des planteurs en février 1962, pouvait imaginer que Saint-Louis serait contrôlé par les manifestants, que le maire de l’époque prendrait la fuite et, plus dramatique, que des manifestants seraient tués par balle…dans le dos ? Qui, à la veille de la saisie des émetteurs de Télé-freedom, aurait imaginé que le quartier du Chaudron s’embraserait et qu’il y aurait des morts ? Pourquoi ce qui fut possible hier ne le serait pas aujourd’hui, alors que nous sommes dans une situation beaucoup plus tendue ?
Que pensez-vous de l’attitude du gouvernement dans la gestion de cette crise antillaise ?
Aujourd’hui, le gouvernement gère une crise arrivée désormais dans une impasse. C’est le résultat d’une politique de non-développement depuis 50 ans. La conquête de l’égalité sociale ne donne plus au pouvoir la possibilité tactique des petits cadeaux octroyés à la veille d’une élection. L’égalité sociale, réalisée complètement en 1996, a touché son terme. Par contre, le non-développement, auquel s’ajoutent une forte progression démographique et une situation mondiale en crise, a pour conséquence l’augmentation du nombre de chômeurs. La Réunion compte 52 % de sa population aux minima sociaux et en dessous donc du seuil de pauvreté. Cette politique menée depuis plusieurs décennies est arrivée à son terme et ne peut plus être appliquée. L’heure du choix a sonné : soit on en reste à une situation qui sera constamment incontrôlable, soit on met en œuvre une politique de développement durable. Il ne doit pas y avoir de délai à l’inauguration de cette nouvelle étape.
Au-delà des revendications sociales, croyez-vous que ce mouvement exprime un malaise plus profond, par exemple d’ordre identitaire ou statutaire ou les deux à la fois ?
Ce que je viens de dire annonce la réponse. La situation des quatre DOM est analogue, mais non identique, car les conditions historiques, économiques, sociales et culturelles sont spécifiques à chaque société. Cela me semble évident. D’où ma réponse très claire à votre question : quel que soit le prétexte qui a été le point de départ de l’action, son ampleur et sa durée montrent le caractère global de la crise, marqué, au-delà des revendications sociales, par un contexte qui prend le dessus sur tout le reste. Quelle que soit la région outre-mer concernée, les mesures de survie sociale sont certes l’impératif du moment. En ce sens, aucune solution ne peut être trouvée si un geste fort, significatif n’est pas trouvé. Car il n’est pas possible que 52 % de la population soient en dessous du seuil de pauvreté, que 72 000 personnes touchent le RMI, qu’il y ait 120 000 illettrés. Il n’est pas possible que face à cela les responsables institutionnels, politiques et sociaux de l’île y soient indifférents ou se contentent de quelques miettes de compassion. Il y a un problème identitaire profond. Il n’y a pas de respect de la personnalité des Réunionnais et des Réunionnaises ni la prise en compte de leur désir de responsabilité. Quelles que soient les procédures administratives, il n’est pas possible que l’essentiel des cadres de la Fonction publique et du privé soient recrutés à l’extérieur. Le nombre de jeunes diplômés augmente chaque année et ils sont en droit d’interroger : Pourquoi sommes-nous diplômés et sans travail, alors que tel ou tel poste est confié à d’autres, qui n’ont peut-être pas un diplôme équivalent ? Je ne nie pas les aspects réglementaires, mais l’enjeu est quand même la cohésion de notre société. Peut-on hésiter longtemps encore à prendre des mesures de justice ? Vous évoquez la question statutaire. Il faut s’entendre sur ce terme. Pendant 50 ans, il y a eu tellement de procès d’intention entre, d’un côté, ceux qui voulaient garder leur pouvoir et leurs privilèges et, de l’autre, ceux qui anticipaient sur l’avenir et voulaient répondre aux besoins de responsabilité des acteurs sociaux et politiques en prônant le développement. Aujourd’hui, telle ou telle personnalité évoque la possibilité de l’assemblée unique, l’hypothèse d’un changement de statut. Ces suggestions sont mises en débat sans anathème. Par contraste, cela nous ramène 50 ans en arrière et on entend encore les accusations de “trahison de la République française”, de “séparatisme”, etc. Nous ne pouvons nous empêcher d’imaginer le temps que La Réunion aurait gagné si ces irresponsables égoïstes n’avaient pas freiné le mouvement. L’augmentation de la population exige que les structures administratives donnent une réponse à cette attente de responsabilité. Sinon, l’impasse sera aggravée.
Qu’attendez-vous concrètement de la rencontre des principaux élus domiens, demain soir, à l’Élysée, avec le Président de la République ?
J’espère de tout mon cœur, j’espère de toutes mes forces que, devant l’extrême gravité de la situation et le danger de détérioration rapide, chacun ne se soucie que de l’intérêt général et trouve une solution qui réponde à la totalité des aspirations de nos pays. Pour cela, est nécessaire une rupture avec les séquelles du régime post-colonial. Cela trancherait avec tant d’autres réunions analogues qui ont eu lieu depuis 50 ans. La rupture, cela veut dire quoi ? Prendre enfin en compte, de façon sincère, continue, toute la société abandonnée à la pauvreté. Pour cela il faut des mesures éclatantes. Mais cet acte de sauvetage social doit être pris dans une double perspective. Il faut d’abord que ces victimes de l’évolution sociale ne sentent pas cet acte seulement comme l’expression d’une compassion humanitaire. Mais elles doivent y voir également les conditions qui ouvriront la voie à une activité productive. À ce titre, il y a, à La Réunion, un important gisement d’emplois. Je pense à l’entretien de l’environnement en zone forestière, rurale et urbaine, sans oublier la mer. Par ailleurs, le passage d’une population réunionnaise de 242 000 habitants en 1946 à 810 000 en 2008, son vieillissement, la dé-cohabitation entraînée par l’urbanisation ont provoqué une certaine rupture de la solidarité familiale. Beaucoup de personnes, âgées, handicapées, sont aujourd’hui isolées. S’ouvre là une filière considérable d’activités d’utilité sociale. C’est la perspective professionnelle qu’on doit donner à cette partie de la population. Il y a dans notre société une aspiration à évoluer dans un cadre de responsabilité et d’utilité sociale véritable, sur la base de l’égalité sociale de tous. Il faut en finir avec les facteurs qui aggravent l’inégalité depuis des décennies et sortir d’une gestion économique post-coloniale dépassée. C’est un avenir exaltant qui s’ouvre aux Réunionnais et aux Réunionnaises avec le développement durable. Nous pourrons nous libérer du poids excessif de la facture pétrolière en utilisant nos potentialités énergétiques (eau, vent, soleil, mer, volcan, biomasse). Nous pourrons éliminer progressivement la pollution des énergies fossiles (48 % venant de la houille, 32 % du carburant). Nous sommes une île dans l’océan Indien où 97 % de la pêche est assurée par des flottilles qui n’appartiennent pas aux pays riverains. La Réunion fait partie de la Commission de l’océan Indien qui représente actuellement 22 millions d’habitants et qui en comptera 43 millions en 2050. Or, la totalité des zones économiques exclusives maritimes de ces 5 îles représente la superficie de la Méditerranée et de la Baltique. Je pourrais allonger la liste, évoquer les TIC, la recherche, sans oublier les besoins immenses des îles qui nous entourent que nous pouvons satisfaire par une politique de co-développement. Nous sommes une des plus petites îles du Sud-Ouest de l’océan Indien, mais nous avons un atout majeur : une jeunesse importante et de mieux en mieux formée. Nous le répétons depuis des années contre ceux qui veulent conserver ce qu’on appelle les avantages acquis : ou nous développons notre pays ou ce sera une situation d’inégalités sociales de plus en plus incontrôlable”
Propos recueillis par Yves Mont-Rouge
“Jamais dans les départements d’Outre-mer ou dans n’importe quel département français, il n’y a eu une telle cohésion se maintenant sur une telle durée, 1 mois en Guadeloupe, 15 jours en Martinique. C’est le signe éclatant qu’on ne peut plus continuer à faire la même politique de rafistolage par des mesures d’assistanat social”, dixit Paul Vergès, le président de la Région qui, pour le Journal de l’île, s’exprime sur la crise sociale aux Antilles ainsi que sur la tension qui règne localement.
Comment expliquez-vous l’importance et la durée du mouvement social qui sévit aux Antilles ?
“Je pense qu’il faut avoir une analyse globale et une perspective historique. Il y a déjà eu dans le passé des poussées de fièvre aux Antilles et à La Réunion. Aujourd’hui, il y a eu au départ une donnée conjoncturelle : un prix du carburant trop élevé par rapport à la baisse du prix de baril et aux prix du carburant dans les pays voisins. La Réunion a connu cette revendication, qui s’est ensuite exprimée en Guyane, puis aux Antilles. Mais le fait nouveau est que ce qui était latent dans ces premières manifestations s’est manifesté ouvertement et a révélé un sentiment de frustration générale portant sur les aspects de la vie quotidienne : niveau insupportable de l’augmentation des prix, augmentation du chômage, perte de confiance dans l’avenir. D’où cette longue liste de revendications soutenues par des dizaines d’organisations, syndicales, associatives, politiques. Ce qui était latent a donc éclaté au grand jour.
Pensez-vous que cette crise puisse se propager à La Réunion dans les jours à venir ?
Il est significatif que ce qui est parti de la Guadeloupe, puis propagé à la Martinique et à la Guyane s’étend à La Réunion. Qu’est-ce que cela traduit ? C’est la manifestation évidente que la majorité de la population de ces régions n’a plus confiance dans l’organisation économique et sociale de leurs sociétés ni dans l’avenir. La formulation de ces revendications immédiates marque l’état très grave de la précarité de ces populations, mais leur addition, leur globalisation montre que ces sociétés ne sont plus en état de fonctionner. Jamais dans les départements d’Outre-mer ou dans n’importe quel département français, il n’y a eu une telle cohésion se maintenant sur une telle durée, 1 mois en Guadeloupe, 15 jours en Martinique. C’est le signe éclatant qu’on ne peut plus continuer à faire la même politique de rafistolage par des mesures d’assistanat social. Ce que je viens de dire montre à l’évidence que le pouvoir, devant des structures politiques dépassées, craint avec raison l’aggravation d’une situation désormais sans contrôle. Le processus de blocage engagé en Guadeloupe peut tout faire craindre. En ce qui concerne l’extension possible à La Réunion, qui, à la veille des actions des planteurs en février 1962, pouvait imaginer que Saint-Louis serait contrôlé par les manifestants, que le maire de l’époque prendrait la fuite et, plus dramatique, que des manifestants seraient tués par balle…dans le dos ? Qui, à la veille de la saisie des émetteurs de Télé-freedom, aurait imaginé que le quartier du Chaudron s’embraserait et qu’il y aurait des morts ? Pourquoi ce qui fut possible hier ne le serait pas aujourd’hui, alors que nous sommes dans une situation beaucoup plus tendue ?
Que pensez-vous de l’attitude du gouvernement dans la gestion de cette crise antillaise ?
Aujourd’hui, le gouvernement gère une crise arrivée désormais dans une impasse. C’est le résultat d’une politique de non-développement depuis 50 ans. La conquête de l’égalité sociale ne donne plus au pouvoir la possibilité tactique des petits cadeaux octroyés à la veille d’une élection. L’égalité sociale, réalisée complètement en 1996, a touché son terme. Par contre, le non-développement, auquel s’ajoutent une forte progression démographique et une situation mondiale en crise, a pour conséquence l’augmentation du nombre de chômeurs. La Réunion compte 52 % de sa population aux minima sociaux et en dessous donc du seuil de pauvreté. Cette politique menée depuis plusieurs décennies est arrivée à son terme et ne peut plus être appliquée. L’heure du choix a sonné : soit on en reste à une situation qui sera constamment incontrôlable, soit on met en œuvre une politique de développement durable. Il ne doit pas y avoir de délai à l’inauguration de cette nouvelle étape.
Au-delà des revendications sociales, croyez-vous que ce mouvement exprime un malaise plus profond, par exemple d’ordre identitaire ou statutaire ou les deux à la fois ?
Ce que je viens de dire annonce la réponse. La situation des quatre DOM est analogue, mais non identique, car les conditions historiques, économiques, sociales et culturelles sont spécifiques à chaque société. Cela me semble évident. D’où ma réponse très claire à votre question : quel que soit le prétexte qui a été le point de départ de l’action, son ampleur et sa durée montrent le caractère global de la crise, marqué, au-delà des revendications sociales, par un contexte qui prend le dessus sur tout le reste. Quelle que soit la région outre-mer concernée, les mesures de survie sociale sont certes l’impératif du moment. En ce sens, aucune solution ne peut être trouvée si un geste fort, significatif n’est pas trouvé. Car il n’est pas possible que 52 % de la population soient en dessous du seuil de pauvreté, que 72 000 personnes touchent le RMI, qu’il y ait 120 000 illettrés. Il n’est pas possible que face à cela les responsables institutionnels, politiques et sociaux de l’île y soient indifférents ou se contentent de quelques miettes de compassion. Il y a un problème identitaire profond. Il n’y a pas de respect de la personnalité des Réunionnais et des Réunionnaises ni la prise en compte de leur désir de responsabilité. Quelles que soient les procédures administratives, il n’est pas possible que l’essentiel des cadres de la Fonction publique et du privé soient recrutés à l’extérieur. Le nombre de jeunes diplômés augmente chaque année et ils sont en droit d’interroger : Pourquoi sommes-nous diplômés et sans travail, alors que tel ou tel poste est confié à d’autres, qui n’ont peut-être pas un diplôme équivalent ? Je ne nie pas les aspects réglementaires, mais l’enjeu est quand même la cohésion de notre société. Peut-on hésiter longtemps encore à prendre des mesures de justice ? Vous évoquez la question statutaire. Il faut s’entendre sur ce terme. Pendant 50 ans, il y a eu tellement de procès d’intention entre, d’un côté, ceux qui voulaient garder leur pouvoir et leurs privilèges et, de l’autre, ceux qui anticipaient sur l’avenir et voulaient répondre aux besoins de responsabilité des acteurs sociaux et politiques en prônant le développement. Aujourd’hui, telle ou telle personnalité évoque la possibilité de l’assemblée unique, l’hypothèse d’un changement de statut. Ces suggestions sont mises en débat sans anathème. Par contraste, cela nous ramène 50 ans en arrière et on entend encore les accusations de “trahison de la République française”, de “séparatisme”, etc. Nous ne pouvons nous empêcher d’imaginer le temps que La Réunion aurait gagné si ces irresponsables égoïstes n’avaient pas freiné le mouvement. L’augmentation de la population exige que les structures administratives donnent une réponse à cette attente de responsabilité. Sinon, l’impasse sera aggravée.
Qu’attendez-vous concrètement de la rencontre des principaux élus domiens, demain soir, à l’Élysée, avec le Président de la République ?
J’espère de tout mon cœur, j’espère de toutes mes forces que, devant l’extrême gravité de la situation et le danger de détérioration rapide, chacun ne se soucie que de l’intérêt général et trouve une solution qui réponde à la totalité des aspirations de nos pays. Pour cela, est nécessaire une rupture avec les séquelles du régime post-colonial. Cela trancherait avec tant d’autres réunions analogues qui ont eu lieu depuis 50 ans. La rupture, cela veut dire quoi ? Prendre enfin en compte, de façon sincère, continue, toute la société abandonnée à la pauvreté. Pour cela il faut des mesures éclatantes. Mais cet acte de sauvetage social doit être pris dans une double perspective. Il faut d’abord que ces victimes de l’évolution sociale ne sentent pas cet acte seulement comme l’expression d’une compassion humanitaire. Mais elles doivent y voir également les conditions qui ouvriront la voie à une activité productive. À ce titre, il y a, à La Réunion, un important gisement d’emplois. Je pense à l’entretien de l’environnement en zone forestière, rurale et urbaine, sans oublier la mer. Par ailleurs, le passage d’une population réunionnaise de 242 000 habitants en 1946 à 810 000 en 2008, son vieillissement, la dé-cohabitation entraînée par l’urbanisation ont provoqué une certaine rupture de la solidarité familiale. Beaucoup de personnes, âgées, handicapées, sont aujourd’hui isolées. S’ouvre là une filière considérable d’activités d’utilité sociale. C’est la perspective professionnelle qu’on doit donner à cette partie de la population. Il y a dans notre société une aspiration à évoluer dans un cadre de responsabilité et d’utilité sociale véritable, sur la base de l’égalité sociale de tous. Il faut en finir avec les facteurs qui aggravent l’inégalité depuis des décennies et sortir d’une gestion économique post-coloniale dépassée. C’est un avenir exaltant qui s’ouvre aux Réunionnais et aux Réunionnaises avec le développement durable. Nous pourrons nous libérer du poids excessif de la facture pétrolière en utilisant nos potentialités énergétiques (eau, vent, soleil, mer, volcan, biomasse). Nous pourrons éliminer progressivement la pollution des énergies fossiles (48 % venant de la houille, 32 % du carburant). Nous sommes une île dans l’océan Indien où 97 % de la pêche est assurée par des flottilles qui n’appartiennent pas aux pays riverains. La Réunion fait partie de la Commission de l’océan Indien qui représente actuellement 22 millions d’habitants et qui en comptera 43 millions en 2050. Or, la totalité des zones économiques exclusives maritimes de ces 5 îles représente la superficie de la Méditerranée et de la Baltique. Je pourrais allonger la liste, évoquer les TIC, la recherche, sans oublier les besoins immenses des îles qui nous entourent que nous pouvons satisfaire par une politique de co-développement. Nous sommes une des plus petites îles du Sud-Ouest de l’océan Indien, mais nous avons un atout majeur : une jeunesse importante et de mieux en mieux formée. Nous le répétons depuis des années contre ceux qui veulent conserver ce qu’on appelle les avantages acquis : ou nous développons notre pays ou ce sera une situation d’inégalités sociales de plus en plus incontrôlable”
Propos recueillis par Yves Mont-Rouge