samedi 14 février 2009

Les entreprises : les autres victimes de la crise politique malgache

CLICANOO.COM | Publié le 14 février 2009

MADAGASCAR - Déjà mal en point, l’économie malgache pâtit de la crise politique. Chômage technique, faillites, prévisions alarmantes : tous les secteurs sont touchés.

Jusqu’à récemment, Madagascar Conseil International (MCI) était un cabinet juridique dans le vent. Travaillant avec l’Etat, des entreprises malgaches et des investisseurs étrangers, la société comptait une trentaine de salariés et prévoyait d’embaucher en février. Aujourd’hui, elle dégraisse. « Nous n’avons pas pu recruter les salariés prévus, et nous sommes aujourd’hui en situation de chômage technique partiel. Ce mois-ci, nous travaillons 30% moins de temps, le mois prochain ce sera 40%, et en avril 50%. Après, on verra… », s’inquiète Johary Ravaloson, directeur du département développement. « On n’a plus de clients », constate-t-il amèrement, avant de raconter l’anecdote de ces investisseurs japonais surpris, la semaine dernière, de se retrouver seuls dans l’avion les menant à Antananarivo, puis à l’hôtel Carlton.

« Les touristes sont partis, les expatriés n’ont plus le moral »

La lutte politique qui oppose depuis trois semaines Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana n’a pas fait que des victimes civiles. Au-delà des commerces pillés dans l‘ensemble de l‘île les 26 et 27 janvier, nombre d’entreprises ont dû mettre la clé sous la porte. « Cette crise politique est une catastrophe économique », indique Ny Rado Rafalimanana, PDG du groupe de négoce international Axius et membre d’un groupement de jeunes businessmen. « Si elle dure encore longtemps, le pays aura du mal à s’en remettre. En 2002, il avait fallu deux ans pour que le pays recommence à avancer. » Les pillages ont, selon André Beaumont, président de la chambre de commerce et de l’industrie France-Madagascar cité par L’Express de Madagascar, « traumatisé les opérateurs ». “Non seulement ils ont ruiné certains propriétaires de magasins, mais ils ont également fait fuir les investisseurs », regrette un fonctionnaire du ministère de l’Economie. Selon lui, « on estime à plus de 100 000 le nombre d’emplois perdus à cause des pillages ». Les manifestations et la paralysie de l’administration, qui tourne au ralenti - dans les ministères, nombre de fonctionnaires pointent le matin puis rentrent chez eux, dans l’attente d’une clarification de la situation -, ont fini d’achever le tissu économique local. Tous les secteurs sont touchés. Le transport terrestre a enregistré une dégradation de 50% du trafic depuis le début de la crise et a dû revoir ses tarifs à la baisse, tandis qu’Air Madagascar a annulé un certain nombre de vols internationaux faute de passagers. Les commerces de la capitale ont certes rouvert, mais ils comptent les clients sur le doigt de la main. « On tourne à 10, 20% de notre chiffre d’affaires habituel », explique Marc, un expatrié propriétaire d’un magasin d’artisanat. « Les touristes sont partis, les expatriés n’ont pas le moral pour acheter, et les Malgaches n’ont plus d’argent », constate-t-il, amer. « Si ça continue, je vais devoir fermer quelque temps ». Du côté des bijoutiers, c’est la Berezina : « Pendant deux semaines, on n’a rien vendu. Nous n’avons retrouvé des clients qu’en cette fin de semaine », indique le patron d’une bijouterie située à 50 mètres du palais présidentiel où a eu lieu le carnage samedi dernier. Le secteur du tourisme est le plus touché. « Pour le premier trimestre de l’année, on peut dire que le secteur tourisme est vraiment touché de plein fouet. Actuellement, les hôtels affichent un taux d’occupation de 0,5% à 10% au maximum. Les réservations jusqu’à avril ont été presque entièrement annulées. Plusieurs milliers d’emplois dans les hôtels, les restaurants et les bureaux de voyage sont menacés », a déclaré Joel Randriamandranto, responsable du bureau national du tourisme, en début de semaine. « La moyenne de fréquentation des hôtels est très basse », affirme un hôtelier de la capitale selon lequel « les semaines suivantes seront pires ». Cette semaine, l’association internationale des tour opérateurs (CETO) a recommandé la suspension de tous les départs vers Madagascar.

De notre envoyé spécial Olivier Lauyarac


- EN BREF
- Tuléar : quatre morts dans des affrontements La police a tiré sur des pillards dans la région de Tuléar, faisant au moins quatre et cinq blessés, ont annoncé hier les autorités malgaches, vendredi. Un porte-parole de la police a ajouté que 34 autres personnes avaient été interpellées. Le calme était revenu vendredi matin à Tuléar.

- Le PC mahorais « choqué » par le PCF Lors du débat consacré à la consultation des Mahorais sur l’avenir statutaire de l’île, le député du parti communiste français, Jean-Paul Lecocq, a été le seul à fustiger les projets de départementalisation. « Au regard du droit international, Mayotte n’est pas un territoire français d’outremer, c’est une terre comorienne illégalement occupée par une puissance étrangère », a-t-il affirmé. Invité sur le plateau de Télé Mayotte, Assani Alidina, secrétaire général du Parti communiste rénové de Mayotte, s’est empressé de se démarquer de cette embarrassante prise de position : « Naturellement, comme tous les Mahorais, je suis très choqué et scandalisé par les propos de M. Lecocq », a-t-il assuré, ajoutant que ceux-ci ne l’avaient « pas étonné ! ». “Le mouvement que je représente n’a rien à voir avec le PC français ». Selon le responsable du PC de Mayotte, « La départementalisation, c’est le rêve de tout Mahorais ».

- Mayotte : 14 % d’inflation Les prix des produits alimentaires à Mayotte ont explosé en 2008 en augmentant de 14 % selon l’Insee. Les marchandises les plus touchées sont les produits frais (+ 23, 6 % ), suivis des viandes et volailles (+ 16, 2 % ). En janvier 2009 cependant, l’Insee a enregistré une légère baisse des prix des produits alimentaires et boissons : - 0, 9 %.


- 5 000 PERSONNES À UN RASSEMBLEMENT DE RAJOELINA Environ 5 000 personnes ont assisté hier à un nouveau rassemblement d’Andry Rajoelina. Le maire destitué de Tana et son « Premier ministre » Monja Roindefo se sont abstenus vendredi de poursuivre l’annonce des ministres censés remplacer le gouvernement actuel, contrairement aux deux derniers meetings. « Tout ce que nous cherchons en ce moment, c’est la voie de la légalité. Pour l’instant, nous avons la légitimité », a déclaré Andry Rajoelina. « Quand on n’a plus le peuple (à ses côtés), on quitte le pouvoir », a-t-il lancé M. Rajoelina à l’adresse du président Ravalomanana. Avant d’expliquer qu’il finirait « tôt ou tard par mettre en place » son gouvernement. Un nouveau rassemblement du camp de M. Rajoelina est prévu samedi, toujours sur la place du 13-Mai.