De la crise financière à la récession économique
Thématique :
monde
La crise financière qui balaie les marchés mondiaux est la plus grave depuis la Grande Dépression. À l’heure où cette crise s’étend à l’économie réelle, le constat est douloureux. Comment les responsables politiques peuvent-ils aller de l’avant, avec des marges de manœuvre amoindries ?
L’ampleur et la durée de la crise restent incertaines, mais les coûts sont énormes : pertes liées aux crédits immobiliers à risque, effondrement des actions, plans de sauvetage, entre autres.
D’emblée, l’OCDE a salué les plans de sauvetage systémiques aux États-Unis et en Europe. L’injection de liquidités, l’octroi de garanties, le rachat d’actifs compromis et la recapitalisation du système bancaire devraient aider à relancer le crédit bancaire et à remettre l’économie sur les rails.
Les cycles d’expansion et de ralentissement ne sont pas nouveaux, mais les circonstances actuelles sont exceptionnelles. Cette fois, le système financier – cette machine qui fait tourner l’économie – s’est enrayé. Les États n’ont eu d’autre choix que d’intervenir.
Il faut désormais s’attaquer aux causes profondes. Alors que les marchés restent très nerveux, la crise a ébranlé la confiance envers les banques et les services financiers, et même envers l’économie de marché. Comment les États peuvent-ils restaurer la confiance et redresser les marchés ?
Comprendre les causes est un préalable à toute action efficace, car si l’on ne s’attaque pas à la racine du mal, les bulles et les crises reviendront. Chacun s’accorde à reconnaître que les marchés doivent être mieux contrôlés et réglementés, et que le gouvernement d’entreprise doit être renforcé. La main invisible du marché s’était tout simplement égarée. Dans une période de faibles taux d’intérêt, les banques ont prêté à tout va, alimentant une demande insatiable de produits financiers à haut risque, avec l’aval d’agences de notation pas assez rigoureuses. Le marché, déjà fort complexe, est devenu illisible. Et la chute des prix des actifs a révélé un marché contaminé par des emprunts « toxiques ».
La réaction a été soudaine et l’inversion de l’effet de levier brutale, mais si nul n’avait annoncé cette crise, elle n’était pas non plus totalement inattendue. Cette année, certains membres de l’OCDE se sont inquiétés de la multiplication des produits financiers à fort effet de levier et très peu régulés. Il y a plusieurs mois, nous avons mis en garde contre les lacunes des normes comptables et réglementaires, et souligné les carences du gouvernement d’entreprise.
Sans doute ignorait-on le véritable montant des dettes et la nature des acteurs exposés, mais il est clair que les structures réglementaires étaient incapables de contrôler des instruments tels que les titres adossés à des créances hypothécaires, les produits dérivés ou les contrats d’échange sur risque de défaillance.
Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que les plans de sauvetage fonctionnent pour relancer le crédit et garantir les systèmes de paiement. Pour ce faire, les marchés doivent retrouver une certaine normalité, et réduire leur volatilité.
Nous devons aussi réfléchir au long terme, et l’OCDE s’emploie, aux côtés des gouvernements, des banques centrales et des organisations internationales, à promouvoir les nécessaires réformes des normes réglementaires et comptables, des pratiques de crédit et du gouvernement d’entreprise. Nous devons aussi entendre l’appel des dirigeants politiques à repenser l’infrastructure de gouvernance économique mondiale, afin d’accroître son efficacité et sa légitimité.
Dans l’ensemble, il faut adopter une approche plus holistique de la gestion des risques, des questions de rémunération et de la gestion responsable et éthique. Le tout doit s’appuyer sur des structures réglementaires plus solides et une mise en œuvre plus poussée de normes reconnues, telles que les Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, ainsi que sur l’éducation financière et la sensibilisation au risque de tous les utilisateurs des marchés financiers. Les politiques doivent s’étendre au-delà du seul secteur bancaire, par exemple au logement, afin que les ménages à faibles revenus ne soient pas injustement victimes de prêts immobiliers risqués.
Ce qui compte, c’est le bien-être économique des citoyens et la protection de leur logement, de leur entreprise et de leur emploi. Notre objectif ultime est d’éviter une récession mondiale durable et généralisée, de rétablir les conditions de la croissance et d’empêcher que cette crise ne se reproduise. Dès avant la crise, l’OCDE avait prévu un ralentissement dans certains pays, et à l’heure où nous préparons le prochain numéro des Perspectives économiques de l’OCDE prévu pour fin novembre, le tableau semble plus sombre encore. On ne sait pas encore dans quelle mesure l’intervention des pouvoirs publics creusera les déficits budgétaires et pèsera sur la demande globale, mais il est clair qu’une gestion budgétaire avisée sera nécessaire. De même, le ralentissement de l’inflation devrait permettre d’assouplir la politique monétaire, mais jusqu’à quel point ?
Des mesures visant à restaurer la croissance économique sont donc essentielles. Nous devons identifier les tendances de fond et les leviers d’action qui permettront de relancer la productivité et la croissance. Mais pour y parvenir, nous devons aussi traiter d’autres dossiers comme la concurrence et l’éducation, et engager les bonnes réformes. Il faudra également renforcer les mesures sociales pour faire face à la hausse prévue du chômage. Enfin, nous ne devons pas négliger d’autres enjeux, comme les objectifs d’aide au développement et la lutte contre le changement climatique.
Ces circonstances exceptionnelles peuvent conduire à redéfinir les priorités et les cadres d’action dans plusieurs pays de l’OCDE. La crise assombrit l’horizon, mais des lueurs d’espoir existent, car la baisse des prix des matières premières offre de précieuses marges d’action et la vigueur des pays émergents rééquilibre quelque peu l’économie mondiale.
L’économie de marché est en crise et les États sont désormais aux commandes. Nos dirigeants doivent résoudre ensemble la crise financière. L’OCDE, avec sa structure plurielle renouvelée et plus pertinente, est un pivot du dialogue sur les défis mondiaux et contribue à montrer la voie. En ces temps troublés, notre engagement sera indéfectible.
©L’Observateur de l’OCDE n° 269, octobre 2008
L’ampleur et la durée de la crise restent incertaines, mais les coûts sont énormes : pertes liées aux crédits immobiliers à risque, effondrement des actions, plans de sauvetage, entre autres.
D’emblée, l’OCDE a salué les plans de sauvetage systémiques aux États-Unis et en Europe. L’injection de liquidités, l’octroi de garanties, le rachat d’actifs compromis et la recapitalisation du système bancaire devraient aider à relancer le crédit bancaire et à remettre l’économie sur les rails.
Les cycles d’expansion et de ralentissement ne sont pas nouveaux, mais les circonstances actuelles sont exceptionnelles. Cette fois, le système financier – cette machine qui fait tourner l’économie – s’est enrayé. Les États n’ont eu d’autre choix que d’intervenir.
Il faut désormais s’attaquer aux causes profondes. Alors que les marchés restent très nerveux, la crise a ébranlé la confiance envers les banques et les services financiers, et même envers l’économie de marché. Comment les États peuvent-ils restaurer la confiance et redresser les marchés ?
Comprendre les causes est un préalable à toute action efficace, car si l’on ne s’attaque pas à la racine du mal, les bulles et les crises reviendront. Chacun s’accorde à reconnaître que les marchés doivent être mieux contrôlés et réglementés, et que le gouvernement d’entreprise doit être renforcé. La main invisible du marché s’était tout simplement égarée. Dans une période de faibles taux d’intérêt, les banques ont prêté à tout va, alimentant une demande insatiable de produits financiers à haut risque, avec l’aval d’agences de notation pas assez rigoureuses. Le marché, déjà fort complexe, est devenu illisible. Et la chute des prix des actifs a révélé un marché contaminé par des emprunts « toxiques ».
La réaction a été soudaine et l’inversion de l’effet de levier brutale, mais si nul n’avait annoncé cette crise, elle n’était pas non plus totalement inattendue. Cette année, certains membres de l’OCDE se sont inquiétés de la multiplication des produits financiers à fort effet de levier et très peu régulés. Il y a plusieurs mois, nous avons mis en garde contre les lacunes des normes comptables et réglementaires, et souligné les carences du gouvernement d’entreprise.
Sans doute ignorait-on le véritable montant des dettes et la nature des acteurs exposés, mais il est clair que les structures réglementaires étaient incapables de contrôler des instruments tels que les titres adossés à des créances hypothécaires, les produits dérivés ou les contrats d’échange sur risque de défaillance.
Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que les plans de sauvetage fonctionnent pour relancer le crédit et garantir les systèmes de paiement. Pour ce faire, les marchés doivent retrouver une certaine normalité, et réduire leur volatilité.
Nous devons aussi réfléchir au long terme, et l’OCDE s’emploie, aux côtés des gouvernements, des banques centrales et des organisations internationales, à promouvoir les nécessaires réformes des normes réglementaires et comptables, des pratiques de crédit et du gouvernement d’entreprise. Nous devons aussi entendre l’appel des dirigeants politiques à repenser l’infrastructure de gouvernance économique mondiale, afin d’accroître son efficacité et sa légitimité.
Dans l’ensemble, il faut adopter une approche plus holistique de la gestion des risques, des questions de rémunération et de la gestion responsable et éthique. Le tout doit s’appuyer sur des structures réglementaires plus solides et une mise en œuvre plus poussée de normes reconnues, telles que les Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, ainsi que sur l’éducation financière et la sensibilisation au risque de tous les utilisateurs des marchés financiers. Les politiques doivent s’étendre au-delà du seul secteur bancaire, par exemple au logement, afin que les ménages à faibles revenus ne soient pas injustement victimes de prêts immobiliers risqués.
Ce qui compte, c’est le bien-être économique des citoyens et la protection de leur logement, de leur entreprise et de leur emploi. Notre objectif ultime est d’éviter une récession mondiale durable et généralisée, de rétablir les conditions de la croissance et d’empêcher que cette crise ne se reproduise. Dès avant la crise, l’OCDE avait prévu un ralentissement dans certains pays, et à l’heure où nous préparons le prochain numéro des Perspectives économiques de l’OCDE prévu pour fin novembre, le tableau semble plus sombre encore. On ne sait pas encore dans quelle mesure l’intervention des pouvoirs publics creusera les déficits budgétaires et pèsera sur la demande globale, mais il est clair qu’une gestion budgétaire avisée sera nécessaire. De même, le ralentissement de l’inflation devrait permettre d’assouplir la politique monétaire, mais jusqu’à quel point ?
Des mesures visant à restaurer la croissance économique sont donc essentielles. Nous devons identifier les tendances de fond et les leviers d’action qui permettront de relancer la productivité et la croissance. Mais pour y parvenir, nous devons aussi traiter d’autres dossiers comme la concurrence et l’éducation, et engager les bonnes réformes. Il faudra également renforcer les mesures sociales pour faire face à la hausse prévue du chômage. Enfin, nous ne devons pas négliger d’autres enjeux, comme les objectifs d’aide au développement et la lutte contre le changement climatique.
Ces circonstances exceptionnelles peuvent conduire à redéfinir les priorités et les cadres d’action dans plusieurs pays de l’OCDE. La crise assombrit l’horizon, mais des lueurs d’espoir existent, car la baisse des prix des matières premières offre de précieuses marges d’action et la vigueur des pays émergents rééquilibre quelque peu l’économie mondiale.
L’économie de marché est en crise et les États sont désormais aux commandes. Nos dirigeants doivent résoudre ensemble la crise financière. L’OCDE, avec sa structure plurielle renouvelée et plus pertinente, est un pivot du dialogue sur les défis mondiaux et contribue à montrer la voie. En ces temps troublés, notre engagement sera indéfectible.
©L’Observateur de l’OCDE n° 269, octobre 2008