dimanche 8 février 2009

Carnage à Madagascar

CLICANOO.COM | Publié le 8 février 2009

23 morts et une centaine de blessés. Tel était le bilan officiel, hier soir, de la tuerie qui s’est produite dans l’après-midi au coeur de la capitale malgache. Plus de 20 000 personnes étaient venues soutenir Andry Rajoelina, le maire destitué d’Antananarivo. La garde présidentielle a ouvert le feu sur des manifestants qui voulaient entrer dans le palais présidentiel.

Il est 14h45 hier lorsque les premières balles fusent. Depuis près d’une heure, les manifestants font face aux forces de l’ordre postées dès le petit matin devant le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, situé à quelques mètres de la place du 13-Mai, où s’étaient amassés plus de 20 000 personnes dans la matinée. Les pourparlers entre les représentants du président autoproclamé - des députés et le général Dolin, ancien directeur de cabinet de Rajoelina à la mairie de Tana - et les responsables de la police traînent en longueur. Les premiers veulent tout simplement prendre le contrôle du bâtiment, donc du pays. Quelques minutes auparavant, Andry Rajoelina a annoncé la mise en place d’une "Haute autorité pour la transition" vers la IVème République, et a nommé un nouveau Premier ministre, Roindefo Monja. Dans la rue, l’ambiance est, dans un premier temps, bon enfant. Des manifestants échangent des bouteilles d’eau avec le premier rideau de gendarmes, qui sourient. Puis ils le franchissent, sans grande difficulté.
Une fusillade de trois minutes
Ils se dirigent alors vers le palais dans lequel se trouvent les parlementaires, mais ne sont pas autorisés à y pénétrer. Un second rideau de gendarmes les y en empêchent. Les six représentants ont à peine le temps de sortir, vers 14h45, que les premières balles claquent. Sans aucune sommation… "J’étais parmi les premiers rangs quand j’ai entendu un coup de feu. Immédiatement, je me suis mis à terre, pensant qu’il s’agissait de la première sommation. Mais j’ai entendu d’autres coups de feu, et j’ai vu des hommes et des femmes tomber autour de moi", racontait hier soir un journaliste malgache. Sur une dizaine de témoins interrogés, aucun n’a entendu de tir de sommation. "La fusillade a duré environ trois minutes", indiquait un manifestant dans la soirée. "Dès les premiers coups de feu, les gens, au lieu de se mettre à terre, sont partis en courant. Beaucoup sont tombés comme ça". La majorité des victimes ont été tuées par balle, et la plupart ont été touchées dans la partie supérieure du corps - le ventre, la tête. Selon plusieurs témoins, les coups de feu seraient venus du palais. "Il y avait des tireurs d’élite postés aux fenêtres. Ce sont eux qui ont tiré. Ils ont voulu tuer !" dénonce un manifestant blessé au pied. "Je n’ai pas vu d’où sont venus les tirs, mais ce qui est sûr, c’est que les gendarmes qui nous faisaient face devant le palais n’ont pas tirés. J’en ai même vu fuir avec nous", assure un autre.

Des "mercenaires" ou des militaires ?

Dans la soirée, Andry Rajoelina a parlé sur Télé Viva de "mercenaires" engagés par Ravalomanana, affirmant que "des Malgaches ne peuvent pas tirer ainsi sur d’autres Malgaches".

Une théorie partagée par de nombreux manifestants. Après la fusillade, alors que les secours sont rapidement arrivés sur les lieux et ont transporté les morts et les blessés à l‘hôpital Joseph Ravohongy Andrianavalona (HJRA), les militaires ont repris leurs positions devant le palais.

Pendant toute la fin de l’après-midi, la confusion règnera dans cette partie de la capitale. En fin de soirée, de nombreux manifestants étaient postés aux abords de la place qui donne sur le palais, sans vraiment savoir quoi faire. "Ils vont piller les magasins comme il y a deux semaines", craignait un manifestant. "Ils attendront demain pour attaquer les ministères", pensait un autre. Pour tous en tout cas, "le président doit partir après cette tuerie". Dans une allocution télévisée diffusée en fin d‘après-midi, Marc Ravalomanana a appelé les Malgaches au calme et a mis en avant la responsabilité d’Andry Rajoelina dans ce drame. Il a aussi eu une pensée pour les victimes.

Auteur: Olivier Lauyarac [Le Journal de l'ile de La Reunion]