lundi 3 novembre 2008

"L’enjeu essentiel de la guerre au Congo, c’est l’accès aux ressources minières"

Georges Alves / 31 October 2008 / Indymedia.be

La Communauté de développement de l’Afrique australe a exprimé dernièrement son intention d’intervenir au Congo. Cette perspective semble s’éloigner avec la présence des hommes de Nkunda aux portes de Goma. L’Europe propose par ailleurs d’envoyer des troupes au Congo. Est-ce un pur hasard ou une volonté délibérée de garde l’initiative dans la crise à l’est de ce pays?

La guerre avance à grands pas au Congo. Les troupes de Laurent Nkunda sont aux portes de Goma, le chef lieu de la province du Nord-Kivu. Il faut donc agir… L’Europe propose la mise sur pieds d’une opération genre « Artémis » laquelle a protégé, en 2003, la ville de Bunia, chef lieu du territoire d’Ituri, la province Orientale. Entre-temps, Louis Michel, commissaire européen au Développement, et Karel De Guchlt, ministre belge des Affaires, ont entamé leurs chassées croisées diplomatiques entre Kinshasa et Kigali.

Avant son voyage pour Kigali, le chef de la diplomatie belge a déclaré devant un groupe des parlementaires [belges] que seul le Président rwandais, Paul Kagame, peut stopper l’avancée des troupes commandées par Laurent Nkunda.

Rarement la diplomatie internationale n’a été autant au impliquée dans la recherche de la paix au Congo. Faudra-t-il y voir un signe de changement dans le chef de la communauté internationale ? Cela fait de mois que les humanitaires ne cessent d’interpeller cette communauté sur l’ampleur de la catastrophe au Kivu.

Fallait-il attendre que Goma soit à portée des fusils de la « rébellion » du CNDP ou que la province du Nord-Kivu soit submergée de ses déplacés internes [plus ou moins deux millions dont beaucoup laisseront leurs peaux dans l’aventure, au vu des conditions de vie] pour que la fameuse communauté internationale se bouge enfin ?

L’explication ne semble pas être aussi simple. 5,4 millions de Congolais sont déjà morts de suite de cette guerre, sans que la chose émeuve outre mesure les dirigeants occidentaux. Il importe toutefois de signaler que la semaine dernière, la communauté de développement de l’Afrique australe avait tenu un sommet au Swaziland. Il a été décidé à l’issue de cette rencontre que la SADC envoie des troupes en RDC pour renforcer les capacités militaires de l’armée nationale congolaise, les FARDC, qui affrontent les hommes de Nkunda à l’est du pays. Simple coïncidence ou volonté délibérée de mentors de Nkunda, la guerre s’est approchée un peu plus de Goma comme s’ils voulaient prendre de court et mettre devant un fait accompli les troupes de la SADC.

Bob Kabamba souligne : « L’enjeu essentiel [de cette guerre], c’est l’accès aux ressources minières », a déclaré cet enseignant de sciences Po à l’université de Liège au micro de la RTBF, jeudi matin. La guerre au Congo apporte, à coups sûrs, de substantiels bénéfices au régime de Kigali et au système qui le soutient.

La rébellion rwandaise du FDLR, mais aussi les propres troupes du général Nkunda se sont toujours livrées à l’exploitation de minerais du Congo qui sont sous-traité par Kigali avant d’être emporté dans le circuit du commerce international. Cet aspect du problème ne doit pas échapper à a communauté internationale.

"Pourquoi Kabila ne demande-t-il pas l’aide de la Chine?"
La présence de la SADC dans un tel contexte, avec des armées aussi redoutables que disciplinées que sont celles de l’Angola ou du Zimbabwe, n’est pas sans déranger certains intérêts du vieux continent.

Dans l’interview qu’il a accordée jeudi à RFI, Laurent Nkunda n’hésite pas à s’en prendre à la Chine. Il ironise sur le rôle de cette dernière au Congo : Pourquoi Kabila ne demande-t-il pas l’aide de son alliée, la Chine? Ce message est un signal vers l’Occident à qui le chef rebelle tutsi veut brandir sa fidélité.

L’intérêt subit de l’Europe, la France en tête, d’envoyer des troupes au Congo, participe [au vu d’un certain nombre d’analystes politiques de la région] d’une volonté occidentale d’empêcher l’Afrique de conquérir un peu plus son indépendance, par le biais de la SADC.

« La mise sur pieds d’un état de droit [au Congo] va permettre de juguler le trafic de minerais qui se passe dans toute cette région. Et s’il y a un état congolais fort, ces trafics vont diminuer.
En ayant un état congolais faible, ces trafics vont continuer et l’accès aux ressources va être d’autant plus facilité », souligne pour sa part le professeur Kabamba.

L’enjeu véritable de cette guerre demeure à coup sûr le contrôle des matières premières du Congo, dans un contexte de crise internationale. La révisitation de contrats miniers imposée par le gouvernement sortant ainsi que les contrats d’une dizaine de milliards de dollars Us signés par le même gouvernement avec la Chine, n’ont jamais suscité un grand enthousiasme de capitaux occidentaux qui continuent à exiger Kinshasa de renoncer à ses contrats avec Pékin. Il faudra que le gouvernement congolais fasse preuve de beaucoup de détermination pour ne pas se laisser embobiner une fois de place par ses éternels maîtres. Le rôle du Congo dans l’échiquier africain est tel que ce continue ne pourra jamais démarrer tant que ce pays traînera les pieds.