Des ressources en eau communes - source de conflit ou de coopération en Afrique australe ?
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afrique
Interview avec Anthony Turton, chercheur au Conseil pour la recherche scientifique et industrielle en Afrique du Sud
PRETORIA, 22 juil (IPS) - Au cours de la dernière décennie, plusieurs rapports de médias et de recherches ont prévu des guerres au sujet de l'eau en Afrique. Dès 1998, l'Institut d'études de sécurité a présenté un document de recherche indiquant que l'eau est ''reconnue comme une arme politique fondamentale dans la région d'Afrique australe. L'eau déterminera de plus en plus les relations internationales et les accords de sécurité en Afrique australe''.
Mais Anthony Turton du Conseil pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR) en Afrique du Sud -- qui conduit la recherche et le développement pour la croissance socio-économique en Afrique -- rejette la notion de guerres de l'eau en Afrique en général, et dans la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) en particulier.
La journaliste de IPS, Miriam Mannak, a eu un entretien avec Turton au sujet des conflits éventuels, de l'eau virtuelle, et des initiatives de coopération en Afrique australe.
IPS: Vous rejetez l'idée qu'il puisse y avoir des guerres de l'eau en Afrique australe? Pourriez-vous donner des détails à ce sujet?
Anthony Turton (AT): Il n'y a aucune preuve qu'il y aura des guerres de l'eau en Afrique. La seule région où l'eau a conduit à des conflits est le Moyen-Orient, mais ceci ne peut certainement pas s'appliquer au reste du monde.
Donc non, il n'y aura pas de conflits de l'eau en termes de pays A contre pays B. En Afrique australe, l'eau a déclenché en réalité une coopération plus étroite parmi les différents Etats, au lieu d'une animosité.
La recherche a toutefois montré que le niveau d'intensité des conflits augmente vraiment, plus vous êtes proches du niveau de l'individu, et plus vous êtes éloignés du niveau de l'Etat. Par exemple: il est plus probable pour chaque agriculteur de prendre un kalachnikov pour ''résoudre'' son soi-disant problème d'eau que pour un gouvernement, parce que le gouvernement a recours à un plus grand éventail de remèdes. Un remède est le commerce de l'eau virtuelle.
L'eau virtuelle est la quantité d'eau qui est nécessaire pour la production des vivres et d'autres produits. Par exemple, la production d'un kilogramme de blé nécessite environ 1.000 litres d'eau. Ceci est la quantité d'eau virtuelle.
Avec le commerce des matières premières, il y a un flux d'eau virtuelle. Il est en général préférable pour un pays qui manque d'eau d'importer des produits contenant beaucoup d'eau virtuelle au lieu de produire ces biens localement. Ceci enlève la pression sur les ressources d'eau locales de ces pays. De cette manière, l'eau, qui serait utilisée pour produire ces biens, peut maintenant être utilisée à d'autres fins.
IPS: Comment la SADC aborde-t-elle les questions relatives à la rareté de l'eau?
AT: L'eau et la sécurité de l'eau sont considérées comme une priorité dans la région. Cela pourrait ne pas se faire de cette manière ailleurs en Afrique, mais au sein de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), l'eau est certainement une préoccupation principale.
L'Afrique australe a probablement le niveau le plus sophistiqué de traités entre Etats de la gestion d'eau au monde. Par ailleurs, c'est la seule région sur le continent qui a intégré les éléments clés de la 'UN Watercourse Convention' via le protocole de la SADC sur les eaux communes. Ce document est la fondation pour le développement coordonné et intégré des ressources en eau transfrontalières dans la région.
En plus de cela, presque tous les bassins dans la région de la SADC sont gérés par des accords multilatéraux entre les Etats riverains de ce bassin spécifique.
IPS: Quelles menaces existent-elles pour les ressources en eau dans la région de la SADC?
AT: Nous avons des menaces particulières. L'une est la sur-occupation des fleuves, ce qui signifie qu'ils perdent leur capacité à réduire la pollution. Une autre est une exploitation minière non-réglementée de plus d'un siècle, où des mines fermées et désuètes transvasent maintenant des eaux usées toxiques et radioactives dans des systèmes fluviaux. Cependant, une autre est le fait que dans la SADC, tous les centres de développement sont -- non sur un fleuve, un lac ou un front de mer -- mais plutôt sur des bassins hydrographiques. Il en résulte des flux de pollution dans des systèmes d'eau potable et industrielle.
IPS: Combien de personnes en Afrique australe souffrent-elles de pénurie d'eau?
AT: Le fait que des gens vivent signifie qu'ils ont accès à l'eau, parce vous mourez lorsque vous n'avez pas d'eau. La question n'est pas de savoir s'il y a une pénurie, mais si l'approvisionnement est assuré. La Banque mondiale appelle cela ''otage de l'hydrologie''.
Plusieurs pays africains ont une faible assurance d'approvisionnement. Ceci signifie qu'ils n'ont pas amorti les chocs des sécheresses et des inondations. Par conséquent, des gens boivent de l'eau sale et contaminée, et ont des problèmes de santé. Par ailleurs, cette faible assurance d'approvisionnement cause la perte des cultures, et les industries ne peuvent pas se développer.
IPS: Des communautés sont-elles impliquées dans les pratiques de gestion de l'eau dans la SADC?
AT: La vérité est que les bassins fluviaux sont des choses très complexes. Plus le bassin est sur-occupé, plus grande est la complexité de sa gestion. Cela signifie qu'en l'absence d'institutions robustes, on sape vraiment la capacité de gérer ces bassins en faisant tomber en cascade la prise de décision jusqu'aux niveaux communautaires.
Cela ne veut pas dire que les communautés ne sont pas importantes. Elles sont très importantes. La règle est de les engager de manière appropriée et en temps opportun. Le CSIR a développé ce qu'il appelle le 'Trialogue Model of Governance' pour régler ce dilemme.
IPS: Quel basin fluvial africain fait du bon travail lorsqu'il s'agit de la gestion de l'eau, et lequel a besoin d'amélioration?
AT: Le basin le mieux géré dans la SADC est probablement l'Orange ou le basin Senqu, avec l'Okavango qui est un proche deuxième meilleur. Tous ces deux bassins ont des accords et des processus institutionnels robustes en place. Ils constituent tous les deux de très importantes sources en eau pour les Etats les plus économiquement développés dans chaque bassin.
Les basins les plus mal gérés sont ceux dans lesquels le Zimbabwe est un riverain en amont et le Mozambique est un Etat riverain en aval. Le Bassin de Pungue, par exemple.
La raison à cette situation est que tous les deux pays ont des capacités limitées en matière de gestion d'eau. Dans le cas du Zimbabwe, un Etat en faillite signifie que la capacité de s'engager dans les affaires d'eau est inexistante.
IPS: Pouvons-nous prendre des leçons apprises lorsqu'il s'agit de la gestion fructueuse de l'eau dans le bassin A et les appliquer au bassin B?
AT: Chaque bassin fluvial est unique, alors nous ne pouvons pas prendre une solution d'un bassin, par exemple en Europe, et la transplanter ensuite dans un bassin africain. Les solutions locales sont les meilleures.
PRETORIA, 22 juil (IPS) - Au cours de la dernière décennie, plusieurs rapports de médias et de recherches ont prévu des guerres au sujet de l'eau en Afrique. Dès 1998, l'Institut d'études de sécurité a présenté un document de recherche indiquant que l'eau est ''reconnue comme une arme politique fondamentale dans la région d'Afrique australe. L'eau déterminera de plus en plus les relations internationales et les accords de sécurité en Afrique australe''.
Mais Anthony Turton du Conseil pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR) en Afrique du Sud -- qui conduit la recherche et le développement pour la croissance socio-économique en Afrique -- rejette la notion de guerres de l'eau en Afrique en général, et dans la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) en particulier.
La journaliste de IPS, Miriam Mannak, a eu un entretien avec Turton au sujet des conflits éventuels, de l'eau virtuelle, et des initiatives de coopération en Afrique australe.
IPS: Vous rejetez l'idée qu'il puisse y avoir des guerres de l'eau en Afrique australe? Pourriez-vous donner des détails à ce sujet?
Anthony Turton (AT): Il n'y a aucune preuve qu'il y aura des guerres de l'eau en Afrique. La seule région où l'eau a conduit à des conflits est le Moyen-Orient, mais ceci ne peut certainement pas s'appliquer au reste du monde.
Donc non, il n'y aura pas de conflits de l'eau en termes de pays A contre pays B. En Afrique australe, l'eau a déclenché en réalité une coopération plus étroite parmi les différents Etats, au lieu d'une animosité.
La recherche a toutefois montré que le niveau d'intensité des conflits augmente vraiment, plus vous êtes proches du niveau de l'individu, et plus vous êtes éloignés du niveau de l'Etat. Par exemple: il est plus probable pour chaque agriculteur de prendre un kalachnikov pour ''résoudre'' son soi-disant problème d'eau que pour un gouvernement, parce que le gouvernement a recours à un plus grand éventail de remèdes. Un remède est le commerce de l'eau virtuelle.
L'eau virtuelle est la quantité d'eau qui est nécessaire pour la production des vivres et d'autres produits. Par exemple, la production d'un kilogramme de blé nécessite environ 1.000 litres d'eau. Ceci est la quantité d'eau virtuelle.
Avec le commerce des matières premières, il y a un flux d'eau virtuelle. Il est en général préférable pour un pays qui manque d'eau d'importer des produits contenant beaucoup d'eau virtuelle au lieu de produire ces biens localement. Ceci enlève la pression sur les ressources d'eau locales de ces pays. De cette manière, l'eau, qui serait utilisée pour produire ces biens, peut maintenant être utilisée à d'autres fins.
IPS: Comment la SADC aborde-t-elle les questions relatives à la rareté de l'eau?
AT: L'eau et la sécurité de l'eau sont considérées comme une priorité dans la région. Cela pourrait ne pas se faire de cette manière ailleurs en Afrique, mais au sein de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), l'eau est certainement une préoccupation principale.
L'Afrique australe a probablement le niveau le plus sophistiqué de traités entre Etats de la gestion d'eau au monde. Par ailleurs, c'est la seule région sur le continent qui a intégré les éléments clés de la 'UN Watercourse Convention' via le protocole de la SADC sur les eaux communes. Ce document est la fondation pour le développement coordonné et intégré des ressources en eau transfrontalières dans la région.
En plus de cela, presque tous les bassins dans la région de la SADC sont gérés par des accords multilatéraux entre les Etats riverains de ce bassin spécifique.
IPS: Quelles menaces existent-elles pour les ressources en eau dans la région de la SADC?
AT: Nous avons des menaces particulières. L'une est la sur-occupation des fleuves, ce qui signifie qu'ils perdent leur capacité à réduire la pollution. Une autre est une exploitation minière non-réglementée de plus d'un siècle, où des mines fermées et désuètes transvasent maintenant des eaux usées toxiques et radioactives dans des systèmes fluviaux. Cependant, une autre est le fait que dans la SADC, tous les centres de développement sont -- non sur un fleuve, un lac ou un front de mer -- mais plutôt sur des bassins hydrographiques. Il en résulte des flux de pollution dans des systèmes d'eau potable et industrielle.
IPS: Combien de personnes en Afrique australe souffrent-elles de pénurie d'eau?
AT: Le fait que des gens vivent signifie qu'ils ont accès à l'eau, parce vous mourez lorsque vous n'avez pas d'eau. La question n'est pas de savoir s'il y a une pénurie, mais si l'approvisionnement est assuré. La Banque mondiale appelle cela ''otage de l'hydrologie''.
Plusieurs pays africains ont une faible assurance d'approvisionnement. Ceci signifie qu'ils n'ont pas amorti les chocs des sécheresses et des inondations. Par conséquent, des gens boivent de l'eau sale et contaminée, et ont des problèmes de santé. Par ailleurs, cette faible assurance d'approvisionnement cause la perte des cultures, et les industries ne peuvent pas se développer.
IPS: Des communautés sont-elles impliquées dans les pratiques de gestion de l'eau dans la SADC?
AT: La vérité est que les bassins fluviaux sont des choses très complexes. Plus le bassin est sur-occupé, plus grande est la complexité de sa gestion. Cela signifie qu'en l'absence d'institutions robustes, on sape vraiment la capacité de gérer ces bassins en faisant tomber en cascade la prise de décision jusqu'aux niveaux communautaires.
Cela ne veut pas dire que les communautés ne sont pas importantes. Elles sont très importantes. La règle est de les engager de manière appropriée et en temps opportun. Le CSIR a développé ce qu'il appelle le 'Trialogue Model of Governance' pour régler ce dilemme.
IPS: Quel basin fluvial africain fait du bon travail lorsqu'il s'agit de la gestion de l'eau, et lequel a besoin d'amélioration?
AT: Le basin le mieux géré dans la SADC est probablement l'Orange ou le basin Senqu, avec l'Okavango qui est un proche deuxième meilleur. Tous ces deux bassins ont des accords et des processus institutionnels robustes en place. Ils constituent tous les deux de très importantes sources en eau pour les Etats les plus économiquement développés dans chaque bassin.
Les basins les plus mal gérés sont ceux dans lesquels le Zimbabwe est un riverain en amont et le Mozambique est un Etat riverain en aval. Le Bassin de Pungue, par exemple.
La raison à cette situation est que tous les deux pays ont des capacités limitées en matière de gestion d'eau. Dans le cas du Zimbabwe, un Etat en faillite signifie que la capacité de s'engager dans les affaires d'eau est inexistante.
IPS: Pouvons-nous prendre des leçons apprises lorsqu'il s'agit de la gestion fructueuse de l'eau dans le bassin A et les appliquer au bassin B?
AT: Chaque bassin fluvial est unique, alors nous ne pouvons pas prendre une solution d'un bassin, par exemple en Europe, et la transplanter ensuite dans un bassin africain. Les solutions locales sont les meilleures.