MALAWI • Un modèle agricole pour l'Afrique
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Après une grave famine, le Malawi a décidé de subventionner son agriculture contre l'avis des bailleurs de fonds internationaux. Aujourd'hui, ce petit pays d'Afrique australe est autosuffisant.
L'exemple du Malawi pourrait amener les pays pauvres à remettre en question le bien-fondé des politiques imposées par les bailleurs de fonds. En effet, les principaux partenaires financiers du pays se bousculent aujourd'hui pour soutenir le programme de subventions agricoles du pays, alors que, trois ans plus tôt, ils s'étaient retirés parce que le gouvernement malawite avait fait fi de leurs conseils. Jeff Luhanga, responsable des services de développement agricole du pays, nous a expliqué que l'Etat, un des plus pauvres d'Afrique, avait à l'époque pris une décision inhabituelle et déclaré aux donateurs qu'ils se trompaient au sujet des subventions agricoles. "Nous leur avons dit qu'ils avaient tort et que nous avions raison, et ils sont partis quand nous avons continué à appliquer notre programme."
Un an après le début de l'octroi des subventions, le pays avait doublé sa production de maïs, ce qui n'a pas suffi à impressionner les bailleurs de fonds. "Ils nous ont dit que le programme n'était pas viable, mais nous leur avons répondu que nous allions le poursuivre", raconte Luhanga. Quand la décision de mettre en place les subventions a été prise, en 2005, le Malawi était en proie à la pire sécheresse qu'il ait jamais connue, les récoltes étaient les plus mauvaises jamais enregistrées, et le pays s'est vu contraint d'importer 400 000 tonnes de maïs. Ces importations, explique Luhanga, sont arrivées au compte-gouttes, car le Malawi, enclavé, était tributaire du réseau routier sud-africain, également utilisé par le Zimbabwe et la Zambie. Les Malawites étaient obligés de faire la queue pendant des heures pour obtenir des rations alimentaires, et la population, pourtant en mesure de cultiver de quoi se nourrir, se trouvait donc, pour reprendre les termes de Luhanga, "dans une situation dramatique".
"Nos concitoyens sont durs à la tâche. Ils ont beaucoup de terres, mais ce qui leur manquait, c'était un accès à des intrants agricoles comme les semences et les engrais", dit-il. Le président Bingu wa Mutharika, également ministre de l'Agriculture, décida que rien n'était plus important que d'accorder aux agriculteurs le soutien nécessaire pour qu'ils puissent produire leurs propres cultures vivrières. Des comités de développement rural furent établis dans les villages pour déterminer les bénéficiaires du programme initial qui prévoyait de subventionner environ 1,5 million d'agriculteurs démunis afin qu'ils cultivent au moins un quart d'hectare de maïs. Cela coûta à l'Etat quelque 10 milliards de kwachas [53 millions d'euros], et la production atteignit 3,6 millions de tonnes de maïs, soit plus du double du 1,6 million de tonnes dont le pays a besoin.
Des résultats "époustouflants", selon Luhanga. "Soudain, il y avait du maïs en abondance, les queues ont disparu, les réserves étaient pleines, les prix se sont stabilisés et la question était désormais : qu'allons-nous faire de cet excédent ?" Le gouvernement a alors mobilisé la Société de développement et de commercialisation de l'agriculture (ADMARC), afin qu'elle achète le maïs aux agriculteurs, le stocke en vue d'une utilisation ultérieure et pour les réserves stratégiques nationales.
Un exemple sur le continent
Les douze dépôts de l'ADMARC disséminés dans tout le pays, qui n'avaient plus eu de stocks à gérer depuis quinze ans, étaient au maximum de leurs capacités. Et il en est ainsi depuis la première récolte subventionnée par l'Etat, en 2005. L'économie malawite affiche une croissance positive depuis 2006 et a atteint cette année le taux impressionnant de 7 %, phénomène attribué au secteur agricole. Le gouvernement cherche à présent à consolider la production agricole en formant les agriculteurs à des techniques modernes comme l'irrigation et l'utilisation de semences hybrides, et à la gestion d'entreprise.
Le Malawi est parmi les rares pays d'Afrique à accorder la priorité à l'agriculture. Il alloue 14 % de son budget à ce secteur et l'a placé sous la responsabilité directe du président du pays. Grâce au succès de son programme de subventions agricoles, le Malawi se retrouve sous les feux des projecteurs internationaux. Le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie et le Swaziland y ont envoyé des délégations au cours des trois derniers mois afin d'étudier la mise en œuvre de ce programme, avec l'idée d'en faire de même chez eux. Le Malawi, assure Luhanga, est disposé à faire profiter toute l'Afrique de son expérience parce qu'il considère que la solution aux problèmes alimentaires du continent ne peut pas être locale.
Alors que, cette année, le budget destiné aux subventions a doublé, atteignant 20 milliards de kwachas [106 millions d'euros], en raison de la hausse mondiale des prix des engrais, Luhanga estime que le pays réalise des économies substantielles sur l'argent qu'il aurait dépensé en importations. "Il revient moins cher de subventionner des agriculteurs que de dépenser des milliards afin d'importer des denrées alimentaires." Luhanga appelle l'Afrique à prendre rapidement des mesures pour produire ses propres cultures vivrières, car, avec la production croissante d'agrocarburants, il risque de ne plus y avoir assez de céréales dans le monde, et les pénuries alimentaires sont appelées à s'aggraver.
L'exemple du Malawi pourrait amener les pays pauvres à remettre en question le bien-fondé des politiques imposées par les bailleurs de fonds. En effet, les principaux partenaires financiers du pays se bousculent aujourd'hui pour soutenir le programme de subventions agricoles du pays, alors que, trois ans plus tôt, ils s'étaient retirés parce que le gouvernement malawite avait fait fi de leurs conseils. Jeff Luhanga, responsable des services de développement agricole du pays, nous a expliqué que l'Etat, un des plus pauvres d'Afrique, avait à l'époque pris une décision inhabituelle et déclaré aux donateurs qu'ils se trompaient au sujet des subventions agricoles. "Nous leur avons dit qu'ils avaient tort et que nous avions raison, et ils sont partis quand nous avons continué à appliquer notre programme."
Un an après le début de l'octroi des subventions, le pays avait doublé sa production de maïs, ce qui n'a pas suffi à impressionner les bailleurs de fonds. "Ils nous ont dit que le programme n'était pas viable, mais nous leur avons répondu que nous allions le poursuivre", raconte Luhanga. Quand la décision de mettre en place les subventions a été prise, en 2005, le Malawi était en proie à la pire sécheresse qu'il ait jamais connue, les récoltes étaient les plus mauvaises jamais enregistrées, et le pays s'est vu contraint d'importer 400 000 tonnes de maïs. Ces importations, explique Luhanga, sont arrivées au compte-gouttes, car le Malawi, enclavé, était tributaire du réseau routier sud-africain, également utilisé par le Zimbabwe et la Zambie. Les Malawites étaient obligés de faire la queue pendant des heures pour obtenir des rations alimentaires, et la population, pourtant en mesure de cultiver de quoi se nourrir, se trouvait donc, pour reprendre les termes de Luhanga, "dans une situation dramatique".
"Nos concitoyens sont durs à la tâche. Ils ont beaucoup de terres, mais ce qui leur manquait, c'était un accès à des intrants agricoles comme les semences et les engrais", dit-il. Le président Bingu wa Mutharika, également ministre de l'Agriculture, décida que rien n'était plus important que d'accorder aux agriculteurs le soutien nécessaire pour qu'ils puissent produire leurs propres cultures vivrières. Des comités de développement rural furent établis dans les villages pour déterminer les bénéficiaires du programme initial qui prévoyait de subventionner environ 1,5 million d'agriculteurs démunis afin qu'ils cultivent au moins un quart d'hectare de maïs. Cela coûta à l'Etat quelque 10 milliards de kwachas [53 millions d'euros], et la production atteignit 3,6 millions de tonnes de maïs, soit plus du double du 1,6 million de tonnes dont le pays a besoin.
Des résultats "époustouflants", selon Luhanga. "Soudain, il y avait du maïs en abondance, les queues ont disparu, les réserves étaient pleines, les prix se sont stabilisés et la question était désormais : qu'allons-nous faire de cet excédent ?" Le gouvernement a alors mobilisé la Société de développement et de commercialisation de l'agriculture (ADMARC), afin qu'elle achète le maïs aux agriculteurs, le stocke en vue d'une utilisation ultérieure et pour les réserves stratégiques nationales.
Un exemple sur le continent
Les douze dépôts de l'ADMARC disséminés dans tout le pays, qui n'avaient plus eu de stocks à gérer depuis quinze ans, étaient au maximum de leurs capacités. Et il en est ainsi depuis la première récolte subventionnée par l'Etat, en 2005. L'économie malawite affiche une croissance positive depuis 2006 et a atteint cette année le taux impressionnant de 7 %, phénomène attribué au secteur agricole. Le gouvernement cherche à présent à consolider la production agricole en formant les agriculteurs à des techniques modernes comme l'irrigation et l'utilisation de semences hybrides, et à la gestion d'entreprise.
Le Malawi est parmi les rares pays d'Afrique à accorder la priorité à l'agriculture. Il alloue 14 % de son budget à ce secteur et l'a placé sous la responsabilité directe du président du pays. Grâce au succès de son programme de subventions agricoles, le Malawi se retrouve sous les feux des projecteurs internationaux. Le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie et le Swaziland y ont envoyé des délégations au cours des trois derniers mois afin d'étudier la mise en œuvre de ce programme, avec l'idée d'en faire de même chez eux. Le Malawi, assure Luhanga, est disposé à faire profiter toute l'Afrique de son expérience parce qu'il considère que la solution aux problèmes alimentaires du continent ne peut pas être locale.
Alors que, cette année, le budget destiné aux subventions a doublé, atteignant 20 milliards de kwachas [106 millions d'euros], en raison de la hausse mondiale des prix des engrais, Luhanga estime que le pays réalise des économies substantielles sur l'argent qu'il aurait dépensé en importations. "Il revient moins cher de subventionner des agriculteurs que de dépenser des milliards afin d'importer des denrées alimentaires." Luhanga appelle l'Afrique à prendre rapidement des mesures pour produire ses propres cultures vivrières, car, avec la production croissante d'agrocarburants, il risque de ne plus y avoir assez de céréales dans le monde, et les pénuries alimentaires sont appelées à s'aggraver.