mardi 14 octobre 2008

Crise financière a Maurice - Confirmation des signes de tension et de pression

Les discours rassurants jusqu'ici quant aux répercussions de la crise financière sur les principaux secteurs d'activités économiques du pays cèdent le pas aux premiers signes de tension et de pression. Que ce soit du côté de la Banque de Maurice ou du Joint Economic Council (JEC) en passant par l'hôtel du gouvernement, l'on se met à concéder, des fois de manière encore timide, que la situation sur le plan économique s'annonce difficile, même très difficile, dans la mesure où la récession frappe déjà aux portes des principaux marchés d'exportation de Maurice ou encore des sources d'approvisionnement pour le secteur touristique. Une indication de taille demeure l'évolution des cours des valeurs hôtelières, le moteur de la croissance économique en 2007, à la Bourse de Maurice. Une simple analyse de la dégringolade dans la fourchette de 48,4 % à 65,5 % de ces cours hôteliers depuis le début de l'année occulte facilement le "Spin Doctoring" engagé dans les milieux boursiers au cours des derniers mois.

En début de semaine, parallèlement à la nette détérioration sur le plan international, la Monetary Policy Statement de la Banque de Maurice est venue remettre en perspective les zones de turbulences et l'amoncellement de nuages gris qui se profilent à l'horizon économique de Maurice. Cette analyse a été établie sur la base de la récente révision à la baisse de la croissance économique pour cette année et la confirmation avec le bulletin trimestriel du Bureau central des statistiques (BCS) de la poussée inflationniste.

La Banque de Maurice n'hésite pas à afficher les risques à la croissance économique pour le dernier trimestre de cette année même si jusqu'ici l'économie a fait preuve de résilience. "The domestic economy has remained resilient to the external economic disturbances but there is increasing evidence that falling demand in major export markets has worsened the growth prospects of export-oriented sectors and that tourist arrivals could be lower than expected", notent les responsables de la Banque de Maurice dans leur analyse.

Les conséquences de cette détérioration de la situation au niveau international se feront sentir sur le plan de la croissance économique. "As a consequence, the downside risks to growth have intensified. Against this backdrop, it might be difficult to sustain the current pace of economic expansion", ajoute la Banque centrale.

Ces perspectives économiques peu reluisantes sont partagées par le Joint Economic Council (JEC), dont les responsables avaient participé à une réunion spéciale et urgente lundi dernier, qui portait sur la "Global Financial Crisis and its Impact on the Economy". Le JEC pousse son analyse économique plus loin et prévoit que le tourisme et le textile feront face à de graves difficultés en 2009 en sus de la détérioration possible pour le reste de cette année, avec la récession économique. Cette instance rappelle également que l'industrie sucrière, qui se trouve déjà une passe difficile, restera encore sous pression.

"The economic downturn will impact adversely on our more important export and tourist markets, namely the United States of America, France, the United Kingdom and Germany. Accordingly, the last months of 2008 and the whole of 2009 will be difficult times for our tourism and exports of textiles. The sugar sector, already subject to significant price decrease will also be under strain", concède le JEC, qui souligne les risques au potentiel de croissance dans le secteur de l'offshore avec la récession économique et la crise financière internationale. Seul le secteur de l'informatique devrait pouvoir tirer son épingle du jeu.

Le JEC exprime de graves appréhensions quant aux répercussions de la crise économique sur l'emploi et les investissements. "The volatility of the global financial markets and its impact on the main currencies of the trading partners of Mauritius will need strong and concerted action to protect employment and investment in a context of price instability", poursuit le JEC après les délibérations de lundi dernier.

Le JEC exprime le souhait de pouvoir travailler en étroite collaboration avec le gouvernement en vue d'accélérer les réformes, de maintenir les investissements et de poursuivre la diversification de la base économique dans une tentative d'atténuer les effets de la crise économique mondiale.

A ce stade, il est quasi difficile d'avancer la formule que prendra cette coopération gouvernement/secteur privé face à la crise en l'absence des principaux protagonistes, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, et le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Rama Sithanen. Le PM, qui est en mission à l'étranger, a reconnu à Singapour que "if the world economy continues to be affected by the turbulence of the banking and financial system, Mauritius will not be immune from such external shocks. Much will depend on the depth, duration and scope of the crisis in Europe and the United States of America and the contagion effect spreading to other regions".

De son côté, le Grand Argentier, qui prend part ces jours-ci à la grand'messe des finances à Washington, pourrait être amené à rajuster son calendrier en vue de formuler plus tôt que prévu des "Packages" en vue de soutenir et encadrer les principaux piliers économiques, notamment le tourisme, le secteur des exportations industrielles ou encore l'agro-industrie. A ce stade, aucune confirmation officielle n'était disponible en ce qui concerne les prochaines initiatives gouvernementales après la série de consultations sectorielles au cours de la première semaine d'octobre.

Néanmoins, le message émanant de l'Assemblée générale conjointe de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) pourrait influencer la démarche de l'hôtel du gouvernement. Le "Regional Economic Outlook" pour l'Afrique subsaharienne rendu public par le FMI en fin de semaine souligne que "the main effects of the global financial turmoil appear to be indirect, in the form of slower global growth and volatile commodity prices. But recent heightened turbulence raises the risk of a decline of resource flows to Africa in the form of private capital, remittances and aid".

Ce rapport du FMI, qui prévoit un ralentissement de la croissance économique dans la région africaine, attire l'attention que dans la conjoncture "the most pressing challenge for policymakers is to adjust to the food and fuel price shock, preserve macroeconomic stability, and shield the poor". Plus loin, le FMI met en garde contre les effets des hausses de prix sur les plus vulnérables des populations. "Food and fuel increases could lead to a substantial increase in poverty rates in a number of countries. The impact on poverty of the food price increases could be particularly large in Sub-Saharan Africa, given the average households spend about half of their income on food".

Ce rapport du FMI met en exergue les réformes engagées par Maurice sous le titre "The Mauritian Growth Examples". Dressant le bilan de ce programme de réformes, le FMI soutient que "the challenge for the Mauritian authorities will be to sustain noninflationary growth. The authorities' ambitions are to see Mauritius transition to a regional banking and services hub. For these ambitions to be realized, the bold reform process started in 2005 will need to be pursued and deepened, with special attention to managing demand pressures and removing the constraints on higher growth".

En conclusion, Antoinette Sayeh, directrice de l'AMF African Department, avance que "the resilience of growth and macroeconomic stability in the continent is being put to a test. Countries need - more than ever - to be able to respond quickly to unexpected exogenous shocks. In these circumstances, maintaining, if not increasing, aid remains of paramount importance".