mercredi 22 octobre 2008

Audition de Catherine Ashton (Royaume-Uni), commissaire désignée au commerce, par le Parlement Europeen

mardi 21 octobre 2008

Commissaire désignée pour remplacer au portefeuille du commerce Peter Mandelson, qui vient d’être nommé au gouvernement britannique, Catherine Ashton était auditionnée au Parlement européen ce lundi. Les députés l’ont interrogée sur l’avenir du cycle de Doha, la crise financière et les relations commerciales bilatérales, ainsi que sur son expérience professionnelle. La Conférence des Présidents du PE évaluera les résultats de l’audition ce mardi et le Parlement se prononcera mercredi.

"Je suis convaincue que la construction par étape d’un système commercial mondial ouvert basé sur des règles partagées est l’une des plus grandes réussites du 20ème siècle. Le système de l’OMC n’est peut-être pas parfait, mais il est facile de sous-estimer la situation d’imprédictibilité dans laquelle se trouverait l’économie globale sans celui-ci", a déclaré Catherine Ashton dans son allocution introductive. Elle a ajouté qu’elle rendrait visite à Pascal Lamy à Genève dès mercredi si le Parlement européen approuve sa nomination, afin d’assurer le directeur général de l’OMC que l’issue favorable des négociations du Cycle de Doha demeure la priorité centrale absolue de la politique commerciale de l’Europe.

"De nombreuses personnes ont relevé que je serais la première femme à devenir commissaire britannique et la première femme à devenir commissaire au commerce, ce à quoi je réponds : il était temps", a souligné Mme Ashton.

Cycle de Doha et réforme de l’OMC

A Robert Sturdy (PPE-DE, UK) qui lui demandait si elle aurait agi différemment de M. Mandelson vu "l’échec" de ce dernier dans le Cycle de Doha, Mme Ashton a répondu que ces pourparlers, qui durent depuis 7 ans, n’étaient "pas terminés". Les négociations de l’Uruguay Round ont pris 8 ans, a-t-elle rappelé aux députés.

Erika Mann (PSE, DE) l’a interrogée sur la façon dont elle entend s’y prendre pour bâtir un consensus en vue d’un "commerce équitable, juste et durable". La commissaire désignée a répondu qu’elle était consciente de la valeur et de l’importance pour les citoyens européens du commerce pour la prospérité tout comme de la nécessité de créer des économies durables à l’échelle mondiale. Les considérations relatives à l’agriculture et au développement doivent être abordées dans une optique de discussions, pas seulement selon une perspective, a estimé Mme Ashton.

"Pourriez-vous envisager de modifier les propositions sur la table pour soulager les craintes des petits agriculteurs qui survivent à la marge" du système actuel, a demandé Sean Ó Neachtain (UEN, IE), en référence au dernier paquet de l’OMC. La commissaire désignée a souligné l’importance de relancer les négociations et de parvenir à des résultats impliquant une agriculture ouverte et transparente conforme à la réforme de la PAC de 2003.

Les "questions de Singapour" demeurent en dehors du calendrier de négociation du cycle de Doha pour le développement, a relevé Frithjof Schmidt (Verts/ALE, DE), tandis que Jacky Henin (GUE/NGL, FR) plaidait pour une révolution à l’OMC pour tenir compte des droits humains et syndicaux. Compte tenu des circonstances actuelles qui sont critiques, a répondu Mme Ashton, il est temps de faire l’usage optimal de ce dont nous disposons, pas de renégocier sur les structures actuelles de l’organisation.

"Je veux que la Russie rejoigne l’Organisation mondiale du commerce", a-t-elle par ailleurs répondu à Zbigniew Zalewski (PPE-DE, PL) qui l’interrogeait à ce sujet.

Expérience professionnelle et profil de la commissaire désignée

Erika Mann a questionné Mme Ashton sur son parcours personnel et professionnel et ses aptitudes à remplir le rôle de commissaire au commerce. La commissaire désignée a souligné tout d’abord son engagement personnel pour l’Europe. Elle a rappelé sa première visite à Strasbourg lors de laquelle elle était venue chercher et avait obtenu - grâce à une coopération étroite entre le Parlement, la Commission et le Conseil - du soutien pour les PME britanniques. Elle a aussi mis en avant ses qualités de négociatrice démontrées tout au long de sa carrière et ses grandes valeurs humanistes.

Au nom du groupe IND/DEM, Nigel Farage (UK) lui a demandé si elle n’aurait pas été plus heureuse avec un autre portefeuille, étant donné qu’elle n’a pas d’expérience directe dans le commerce international. "J’aurais avec moi des centaines d’experts techniques qui travaillent sur les questions commerciales depuis des années, et j’ai l’expérience d’aller négocier puisque je suis négociatrice, c’est ce que j’ai l’habitude de faire", a-t-elle souligné.

Crise financière

"Je ne crois pas que la réponse à réponse à tous nos problèmes - y compris la crise financière actuelle - réside dans un retour sur l’ouverture actuelle de l’économie globale. Je pense qu’elle se trouve dans une meilleure gestion de la globalisation économique", a dit la commissaire désignée dans son discours introductif.

Pour la commission du développement, Thijs Berman (PSE, NL) a évoqué la triple crise alimentaire, énergétique et financière et demandé comment la coopération au développement pourrait être intégrée dans la politique commerciale. Catherine Ashton a indiqué qu’elle partageait les préoccupations relatives à l’impact de cette crise sur les plus pauvres de la planète et qu’elle veillerait à ce que la récession économique ne remette pas en cause l’engagement de l’Europe à les aider. "Nous devons développer un style de négociation qui nous aide à surmonter ce problème", a-t-elle déclaré.

Négociations bilatérales

Jacek Saryusz-Wolski (PPE-DE, PL), président de la commission des affaires étrangères et Christopher Fjelner (PPE-DE, SE) ont interrogé Mme Ashton sur ses intentions en terme d’engagement plus fort vis-à-vis de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Georgie via des accords de libre-échange. Sans prétendre être experte dans ce domaine, la commissaire désignée a estimé qu’elle serait capable de reconnaître l’importance de tisser des relations plus étroites qu’elles soient commerciales ou autres.

Evoquant la situation en Asie centrale, M. Saryusz-Wolski lui a demandé s’il fallait selon elle lier les questions commerciales avec celles des droits de l’homme. "Le commerce n’est qu’une des pièces du puzzle permettant de trouver des solutions", a répondu Mme Ashton, soulignant que la politique commerciale n’est qu’un volet du travail de la Commission européenne et que les commissaires disposant de différents portefeuilles doivent travailler en partenariat.

Les députés ont aussi interrogé la commissaire désignée sur la relance des négociations avec le Mercosur. "Je suis favorable à la reprise des pourparlers avec ce groupe de pays", a-t-elle déclaré à Daniel Varela (PPE-DE, ES) et Ioan Mircea Pascu (PSE, RO). Ignasi Guardans (ALDE, ES) a pour sa part évoqué le dilemme permanent entre une négociation régionale ou pays par pays.

Répondant à Glyn Ford (PSE, UK), Mme Ashton a exprimé son soutien à un accord de partenariat avec la Chine et un système d’intégration économique avec le Japon.

Accords de partenariat économique avec les ACP

"Je ne pense pas qu’il existe un modèle unique de libéralisation commerciale qui soit applicable partout et en tous temps. Il n’y a que des solutions sur mesures à des besoins spécifiques et en fonction de la puissance potentielle de différents pays. Ceci guidera ma conduite dans le domaine des Accords de partenariat économique et il est de mon intention d’écouter et d’apprendre de nos partenaires ACP comment aller de l’avant pour parvenir à conclure ces accords", a affirmé la commissaire désignée.

"Pour ce qui est du modèle de développement intégré à ces accords de partenariat, seriez-vous prête à combattre en interne et à vous lever contre votre propre administration", a demandé David Martin (PSE, UK), rapporteur sur l’accord négocié avec les Caraïbes. "Au bout du compte, il me reviendra de prendre la décision", a-t-elle répondu en regardant les experts de la Commission présents dans la salle.