L’immobilier réunionnais au bord de la crise
Thématique :
La Reunion
CLICANOO.COM | Publié le 22 septembre 2008
Vendeurs potentiels, agents immobiliers, promoteurs, professionnels du BTP, analystes... Tous s’accordent à le dire avec plus ou moins de force et d’angoisse : le marché de l’immobilier réunionnais entre en crise. La hausse des taux d’intérêt, la fin imminente de la loi Girardin, le plafonnement des niches fiscales Outre-mer, tout concourt à plomber ce secteur qui semblait jusqu’ici inébranlable. L’allongement des délais de vente et la stagnation voire la baisse des prix le confirment : les belles années sont dans le rétroviseur.
La crise immobilière devient mondiale, disent les analystes. Mais est-elle aussi réunionnaise ? Si la chute des volumes de transaction, la baisse des prix et le déclin du secteur du BTP en métropole sont clairement amorcés, qu’en est-il sur l ’île ? Certes, la progression démographique et la forte croissance observées ici représentent deux atouts comparatifs locaux qui permettent de soutenir la demande de logements. Mais de nombreux autres facteurs structurels et conjoncturels viennent exercer des forces contraires. Hausse des taux d’intérêt, prudence accrue des banques, virage à 180° de la loi de défiscalisation d’ici 2012, plafonnement des niches fiscales sur le point d’être votée pour une application dès 2009...
Tous les acteurs du milieu s’accordent à le dire, les belles années de l’immobilier réunionnais sont derrière nous. La vraie question, c’est de savoir dans quelle mesure le retournement de situation en train de s’amorcer va influer sur la santé du marché de l’immobilier et, partant, sur l’ensemble de l’économie locale.
Sur ce point, l’analyse de Marie-Christine Gaudy, fondatrice et gérante de Gaudy Immobilier depuis près de 25 ans, n’a rien pour rassurer. "L’évolution n’est pas belle, déclare-t-elle. Le marché est au point mort, bloqué. Investisseurs, banques, entreprises, plus personne n’a confiance. Dans mon agence, le volume de transactions a diminué de 50 % par rapport à l’an passé. Le constat est le même à la Réunion et en métropole, où je réalise 70 % de mes ventes." Certains Réunionnais qui cherchent à vendre leur bien attestent eux aussi du retournement de la conjoncture. C’est le cas de Laurence, qui vient de mettre en vente sa maison située sur un terrain de 900 m2 au 14ème km du Tampon, à proximité du lycée. "Je n’ai reçu aucun coup de fil en 10 jours, lâche-t-elle.
Pourtant, il existe encore la possibilité de construire deux villas sur ce terrain. Il y a deux ans, ici, ce type de biens s’arrachaient." Pour Marie-Christine Gaudy, cette évolution est le résultat d’une conjoncture néfaste à laquelle s’ajoutent des mesures gouvernementales inquiétantes. "La récession économique et la hausse des taux d’intérêts se cumulent avec la fin proche de la défiscalisation Girardin, explique la professionnelle. Cette annonce gouvernementale cause l’attentisme des acquéreurs potentiels au lieu, comme c’était le cas depuis 25 ans, d’encourager l’investissement et par là, la création d’emplois locaux directs et indirects. La conséquence, poursuit-elle, ce sont des licenciements économiques.
Certaines agences immobilières et cabinets de notaires ou d’architectes ont déjà dû se séparer de certains de leurs salariés. C’est tout l’économie locale qui entre dans une phase de régression. On n’échappera pas aux conséquences sociales qui vont avec."
"FINIES, LES GROSSES OPÉRATIONS"
Du côté des promoteurs aussi, on se prépare à des lendemains qui déchantent. La commercialisation des logements neufs subit déjà un léger ralentissement. "En ce moment, on fait plus de surplace que d’habitude à cette époque de l’année en raison des refus de prêts, constate André Ladevèze, président de la Fédération des promoteurs et constructeurs de la Réunion (FPCR).
Les trois prochains mois nous donnerons vraiment la tendance pour 2009. Si nous rencontrons des difficultés à écouler les stocks, ce sera un signe fort, poursuit-il. Quoi qu’il en soit, nous n’annulerons aucun projet lancé, mais nous n’en engagerons pas de nouveaux. Car il est certain que le marché va se resserrer en 2009.
Fatalement, les promoteurs vont se montrer plus prudents. Nous ne sortirons sans doute plus de grosses opérations de 200 à 300 logements comme c’était le cas ces dernières années.
D’ailleurs, le BTP s’inquiète déjà de recevoir moins de commandes. Depuis quelques mois, il est même redevenu possible de négocier les prix du gros-oeuvre et du second-oeuvre, ce qui était absolument exclu depuis 2005."
Jusqu’ici, seul le secteur du BTP a vraiment manifesté son inquiétude. Ce moteur de l’économie locale depuis 2002, avec 3 000 entreprises, 23 000 salariés et un chiffre d’affaires de deux milliards d’euros en 2007, est en train de prendre un gros coup de froid.
Il y a deux semaines, Jean-Marie Le Bourvellec, le président de la FRBTP (Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics), a tiré la sonnette d’alarme, affirmant que 10 000 emplois directs et autant d’emplois induits étaient menacés de disparition dans les deux ans si rien n’était fait. La fin progressive de la loi Girardin, c’est-à-dire la sortie du dispositif du logement intermédiaire - près de 50 % de la construction ces dernières années - et le plafonnement des niches fiscales, avec la baisse d’activité qu’ils entraîneront mathématiquement, ne sont certes pas seuls en cause.
Mais ils pèsent de tout leur poids sur une conjoncture déjà déclinante à tous points de vue : fin des grands travaux, annulation de projets municipaux d’envergure (Zénith, Pôle Océan, etc), hausse du coût des matières premières, blocage de permis de construire en raison des problèmes d’assainissement, disparition prochaine de la TVA NPR (Taxe à la valeur ajoutée non perçue récupérable)... Or, à en croire le proverbe devenu cliché selon lequel "quand le bâtiment va, tout va", quand le bâtiment à la Réunion n’ira plus...