mardi 23 septembre 2008

Le monde économique de La Reunion en alerte maximale

CLICANOO.COM | Publié le 23 septembre 2008

Jamais on ne l’avait vue si solennelle. La Réunion économique était réunie hier à Saint-Denis pour déclencher l’alerte maximale. Selon ses représentants, le plafonnement global des niches fiscales annoncé par le gouvernement fait courir de graves dangers à l’économie locale. Ils appellent à la mobilisation des Réunionnais et des parlementaires en particulier.

“Nous sonnons l’alerte rouge ! La Réunion économique est restée discrète jusqu’ici mais les risques qui pèsent sur la Réunion sont trop graves et les délais trop courts pour que nous restions sur la réserve.” 

Maurice Cerisola, président de la Réunion économique (1), a résumé hier lors d’une conférence de presse organisée in extremis dans le chef-lieu les inquiétudes partagées par l’ensemble des acteurs économiques locaux. Des craintes suscitées depuis plusieurs semaines par l’annonce selon laquelle le vote de la loi de finances pour 2009 prévoyant le plafonnement des niches fiscales aura lieu avant l’examen par l’Assemblée nationale du projet de développement économique pour l’outre-mer. 

Mais c’est après avoir appris la semaine dernière le mode de plafonnement retenu, global et non plus niche par niche, que la Réunion économique a décidé d’exprimer publiquement son désaccord et ses inquiétudes. “Si le projet sur les niches fiscales est voté en l’État, la loi de développement économique pour l’outre-mer si chère au président de la République sera vidée de toute signification puisqu’elle repose essentiellement sur un dispositif de défiscalisation des investissements, prévient Maurice Cérisola. 

Il y a péril en la demeure.” Selon lui, les dispositifs existant depuis une quinzaine d’années on fait leurs preuves. Croissance de plus de 4 % ces dernières années, baisse sensible du chômage grâce, certes, aux contrats aidés mais aussi à l’emploi marchand créé notamment dans le BTP… La Réunion va mieux, mais elle a encore besoin de croissance, d’emplois et de logements.

“OÙ TROUVER 1,5 MILLIARD D’EUROS ?”

“On ne peut raisonnablement pas trouver la situation économique et sociale de la Réunion satisfaisante, affirme Éric Magamootoo, président de la chambre de commerce et d’industrie. Or, le gouvernement veut nous traiter comme n’importe quel département de métropole et non pas en fonction d’un certain nombre de réalités spécifiques. Nos entreprises, des PME à plus de 90 %, sont fragiles et n’ont pas les moyens de financer les investissements à même de les rendre compétitives sur notre marché ouvert à la concurrence internationale, explique-t-il. Il faut donc que les mesures qui fonctionnent aujourd’hui soient améliorées et non pas supprimées !” Les acteurs économiques craignent en effet un assèchement dramatique des sources actuelles de financement. “Où, dans le contexte actuel de crise internationale, les entreprises locales trouveront-elles le milliard et demi d’euros de recettes aujourd’hui issu de la défiscalisation ?”, interroge Jean Brac de la Perrière pour le Medef. 

Des décisions “gravissimes” sont sur le point d’être prises, martèle Maurice Cerisola. “Nous ne sommes pas des pleureurs ni des enfants gâtés, comme le laisse entendre le gouvernement, affirme le président de la Réunion économique. Nous ne défendons pas non plus des intérêts catégoriels mais demandons simplement qu’on ne casse pas la croissance de notre île.” Jean-Marie Le Bourvellec, président de la FRBTP (Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics), parle d’une dizaine de milliers d’emplois en péril dans son secteur et d’au moins autant d’emplois induits. “Les problèmes sont transversaux, rappelle-t-il. Logements, équipements, industries, commerces… C’est toute la Réunion qui va être touchée.” La Réunion économique publie aujourd’hui dans nos pages une lettre ouverte aux décideurs politiques. “Messieurs les membres du gouvernement et les parlementaires, voulez-vous vraiment casser la dynamique actuelle et revenir en arrière ?”, interrogent-ils en substance. On attend la réponse.

Séverine Dargent

“Défiscaliser dans les Dom perdra tout intérêt”

Aujourd’hui, aucun des deux dispositifs de défiscalisation outre-mer (logement/industriel) n’est plafonné. En revanche, celui de l’investissement productif prévoit une rétrocession de 60 % de l’économie fiscale au bénéficiaire qui voit ainsi 30 % du montant de son outil subventionnés. Selon les dernières informations, le gouvernement projette dès le 1er janvier 2009 un plafonnement global des niches fiscales afin de contribuer à financer le RSA (Revenu de solidarité active). 

L’économie d’impôt sur tous les dispositifs, y compris domiens, serait ainsi limitée à 40 000 euros ou 15 % du revenu net imposable de l’investisseur, avant rétrocession dans le cadre de l’investissement productif. Or, comme l’explique Guy Dupont, président de la Fedom (Fédération des entreprises des départements de l’outre-mer), “le seul intérêt jusqu’ici de l’investissement dans les Dom, c’est qu’il n’est pas plafonné. 

Si le plafonnement vient maintenant s’ajouter à la rétrocession dans le productif et à la perte du caractère patrimonial dans le logement, l’investissement outre-mer perdra toute attractivité par rapport aux autres existants. Et tout cela aura une incidence majeure sur l’économie locale à partir de 2009.” Si ce scénario s’avérait, la Réunion devrait dans le pire des cas renoncer à 1,5 milliard d’euros de recettes annuelles, dont 1 milliard réalisé aujourd’hui dans le logement et 500 millions dans l’investissement productif. C’est pourquoi la Réunion économique propose aujourd’hui au gouvernement de plafonner la défiscalisation à hauteur de 50 000 euros ou 15 % des revenus nets imposables, mais seulement après rétrocession dans le cadre de l’investissement productif.