Destination Réunion : au rapport - par Rene BARRIEU
Thématique :
La Reunion
CLICANOO.COM | Publié le 12 septembre 2008
Les assises du tourisme n’échappent aux lois du genre : thèmes classiques (transport, offre, marchés…) et réponses habituelles (faciliter, adapter, diversifier…). Il ne faut sans doute pas attendre une révolution des idées. Les “experts” s’appuyant sur les mêmes études, le discours du “touristiquement correct” est souvent la norme. Après des réflexions longuement mûries (quatre ans pour le schéma touristique régional, deux ans pour le rapport Odit France), l’heure est au passage des intentions aux actes, afin d’espérer pouvoir répondre aux ambitions. Sur le plan marketing, trois points méritent une attention particulière.
La promesse Réunion : “Assurer les minima de qualification”
La concurrence impose aux destinations d’être à la fois identifiées et différenciées. “Concentré de diversité”, mais sans atout produit décisif, La Réunion a parfois du mal à se positionner. “Ile dans l’Océan Indien”, elle se doit pourtant d’assurer a minima le mythe de l’île paradisiaque, toujours persistant malgré la maxime de base du touristiquement correct : “Ne plus bronzer idiot”. L’homo touristicus exoticus est prêt à découvrir l’authentique à la carte, mais il veut au menu du jour les ingrédients de l’exotisme classique (soleil, mer, plage). Le groupe Naïades met l’accent sur les attraits complémentaires de “l’île intense” (volcan, randonnées…) mais il rachète un hôtel resort face au lagon !
Depuis des années, Maurice, Antilles, Républicaine Domicaine se sont mis au “vert” mais en appui sur l’acquis de leur promesse bleue. Même le Costa Rica, star de l’éco tourisme, s’affiche 100 % plage. La Réunion ne peut être que perdante si elle ne conforte pas une identité d’île exotique pleine et entière qui ne lui est toujours pas attribuée.
Ses autres atouts sont une valeur ajoutée pas une valeur de remplacement. Au-delà de cette première normalité à garantir, elle doit, dans son ambition, présenter une carte de visite avec tous les atouts requis pour être identifiée destination de référence (golfs, spas, centre de convention…).
Les marchés : “M. Helmut avant M. Chan”
Depuis des années, la diversification des clientèles est le leitmotiv des discours et autres rapports, suivis pour diverses raisons d’une mise en œuvre timide. Il faut oser investir. Encore ne faut-il pas troquer la frilosité pour l’éparpillement. Quand on parle diversification celui qui exclut “les marchés émergents” n’est pas dans le coup ! Brésil, Inde et surtout Chine, voilà le nouvel eldorado des “dragueurs” de touristes. 100 millions de touristes chinois à l’horizon 2020 et chacun veut sa part.
Que La Réunion se positionne n’est pas surprenant : cet intérêt s’inscrit dans un courant d’échanges plus large. Mais ce regard séducteur ne doit pas nous détourner des marchés européens qui, à court terme, offrent le plus fort potentiel. D’autant que pour l’instant l’île, à la différence de Maurice et l’Afrique du Sud, ne bénéficie pas du statut de “destination autorisée”, indispensable sésame.
Les arguments en faveur de l’Europe sont évidents. Il y a d’abord les chiffres : quand les Chinois seront 100 millions, les touristes européens seront plus de 700 millions (dont 165 millions d’allemands, médaillés d’or du tourisme international). Et comme le dit l’adage anglais, cité régulièrement par des professionnels du tourisme mauriciens, “il faut d’abord pêcher là où se trouve le gros poisson”. Il y a ensuite le “mode d’emploi” du tourisme international auquel les Chinois n’échappent pas. Les nouveaux touristes choisissent d’abord massivement l’évasion la plus proche (destinations limitrophes), une minorité d’avant-garde privilégiant les destinations reconnues (Etats-Unis, France, Italie, Maldives).
Ce constat justifie sur le court terme une cible Europe prioritaire : non seulement elle constitue le premier marché émetteur mondial, mais elle offre aussi le plus grand nombre de voyageurs intéressés à découvrir des horizons lointains. Les chiffres sur Maurice sont d’ailleurs éloquents : les Européens représentent 86 % de sa clientèle lointaine. Et, sauf erreur, la volonté mauricienne d’aller sur les marchés émergents ne se fait pas au détriment des marchés traditionnels. De la même manière pour La Réunion, la diversification, à terme, fera accueillir M. Helmut et M. Chan et non M. Chan à la place de M. Helmut .
Le couple Maurice-Réunion : “Le contrat avant le voyage de noces”
Partenariat Réunion- Maurice, label océan Indien : serpents de mer de la coopération régionale, entre “Je t’aime moi non plus” et “Tu m’étreins ou tu m’étouffes” ? Maurice, destination leader, a tout intérêt à des actions conjointes océan Indien : en promotion collective, au départ c’est le plus fort qui “ratisse” le plus.
La Réunion a tout intérêt à cette même démarche : elle obtiendra à court terme des résultats difficiles à espérer isolée. Mais encore faut-il, avant cette union d’amour et de raison, des règles claires et des engagements équilibrés. Les responsables mauriciens rappellent leur intérêt pour des partenariats sur le marché français car actuellement 80 % des combinés entre les deux îles concernent des séjours de Français qui passent de La Réunion à Maurice.
D’ailleurs les déclarations officielles reconnaissent ce rôle pourvoyeur de La Réunion. En conséquence, le partenariat doit aussi s’exprimer sur des marchés étrangers. Ce sera un signe de la volonté d’acheminer pour partie sur La Réunion une clientèle que Maurice capte à ce jour en exclusivité.
Au delà de ces actions tests, pourquoi pas un partenariat Océan Indien plus ambitieux ? Mais pour être à “armes égales”, La Réunion doit se doter d’une identité de marque forte (depuis la disparition du CTR, l’île n’est plus intense).
Sans marque globale affirmée et affichée, La Réunion risque d’être limitée à une image subie et réductrice de simple complémentarité (une montagne face à une île). En terme de séjour, le danger est d’enfermer l’île dans un simple statut d’antichambre sportive et découverte d’un séjour principal à Maurice.