L'Afrique se mobilise face aux risques environnementaux
L'ombre du Probo-Koala a plané sur la première conférence interministérielle sur la santé et l'environnement en Afrique, organisée du 26 au 29 août à Libreville, au Gabon. Révélateur des problèmes environnementaux et sanitaires du continent africain, le déversement à Abidjan (Côte d'Ivoire), en août 2006, de substances toxiques transportées par ce navire avait fait 16 morts et nécessité des soins médicaux auprès de plus de 100 000 personnes.
Dans la "déclaration de Libreville", 80 ministres de la santé et de l'environnement venus des 53 Etats africains se sont engagés à renforcer leurs liens et à mieux coordonner leurs actions, afin de réduire les risques pour la santé liés à l'environnement. "Un quart des décès en Afrique sont liés à des facteurs environnementaux et 2,4 millions d'entre eux pourraient y être évités si ces facteurs étaient maîtrisés", a indiqué le docteur Maria Neira, directeur du département santé publique et environnement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Emboîtant le pas des experts, les ministres ont affirmé qu'il était "nécessaire et urgent de mettre en oeuvre dans (leurs) pays l'impératif de développement durable dans les efforts déployés pour la croissance économique".
Ils ont reconnu l'existence de freins à "la mise en oeuvre des stratégies intégrées de prévention des problèmes et menaces sur la santé publique résultant de la détérioration de l'environnement dans des domaines connus tels que l'alimentation en eau, l'assainissement, la qualité de l'air, les vecteurs de maladies, la gestion des produits chimiques et des déchets, y compris les nouvelles substances toxiques, la désertification, les risques industriels et domestiques, les autres catastrophes naturelles".
Ils ont également pointé l'"émergence de nouveaux risques environnementaux". Parmi ceux-ci, les polluants organiques persistants, les déchets des équipements électriques et électroniques, les irradiations, les nouveaux risques professionnels (dioxines, furannes, métaux lourds) et les changements climatiques.
Ces derniers entraînent des variations de la production agricole et accroissent l'insécurité alimentaire, la malnutrition ou la transmission du paludisme, des maladies diarrhéiques et autres maladies véhiculées par des vecteurs.
CONVENTIONS INTERNATIONALES
Les ministres se sont engagés à "établir une alliance stratégique entre la santé et l'environnement, comme base d'un plan d'action concerté". Outre le développement de stratégies nationales et régionales de surveillance et de prévention, assorties de "mécanismes de contrôle et d'évaluation", ils entendent mettre en vigueur les conventions internationales, y compris la "ratification et la mise en oeuvre de la convention de Bamako (de 1991, sur les déchets dangereux) par les pays qui doivent encore le faire". Enfin, ils ont affirmé vouloir "atteindre un équilibre dans l'allocation des ressources budgétaires nationales pour des programmes intersectoriels santé et environnement".
La conférence s'est parfois enlisée, entre débats sémantiques et fastes protocolaires, faisant craindre une énième déclaration d'intention sans lendemains. Mais le docteur Neira considère l'adoption de la déclaration comme "un grand jour pour la prévention contre les facteurs de risques environnementaux affectant la santé". Selon elle, cet engagement ministériel permettra de "mieux montrer l'intérêt d'investir pour atténuer l'impact négatif des facteurs de risques et apporter d'énormes bénéfices en termes de vies humaines, d'économies budgétaires et d'avancées pour l'environnement".
Dans leur rapport, les experts des 53 Etats africains ont souligné que "les secteurs de la santé et de l'environnement ont longtemps cherché à minimiser les conséquences des politiques de développement économique inappropriées, tout en ayant peu d'influence sur les décisions concernant le développement qui malheureusement influencent profondément l'environnement naturel du continent".
L'efficacité de la déclaration de Libreville se jugera notamment à la capacité des ministres de la santé et de l'environnement d'impliquer dans ces dossiers des ministères comme ceux de l'économie, de l'industrie ou du logement. Un point d'étape pourra être effectué à l'occasion de la seconde édition de la conférence, qui devrait avoir lieu avant la fin 2010.