Dom’eau boit du petit-lait avec Coca-Cola
Thématique :
La Reunion,
madagascar
CLICANOO.COM | Publié le 22 septembre 2008
La morosité ambiante ferait oublier que certaines entreprises réunionnaises relèvent des défis impressionnants. C’est le cas de Dom’eau, une société portoise spécialisée dans le traitement de l’eau. Mise en compétition avec de grands groupes internationaux, elle a décroché le marché de la construction de la station d’épuration du géant américain Coca-Cola à Madagascar, puis à Mayotte. Pourtant, malgré son succès, le directeur de Dom’eau reste le premier à déplorer qu’à la Réunion tout concoure à freiner le développement des entreprises locales à l’export.
"Nous étions de loin la plus petite société à répondre à l’appel d’offres de Coca-Cola." Gilles Couapel, directeur et cofondateur de Dom’eau, partait avec plusieurs handicaps. Pourtant, il a décroché fin 2007 le marché de la construction de la station d’épuration de l’usine Coca-Cola à Madagascar. Mis en compétition avec de grands groupes européens, américains et indiens, il a finalement été choisi par la firme états-unienne et les brasseries Star qui produisent la boisson sur la Grande Île. "On a proposé quelque chose de très innovant et moins énergivore que le traitement biologique classique et ça a plu, raconte Gilles Couapel. Pourtant, nous étions 25 % plus chers que l’entreprise indienne avec qui nous avons fini en concurrence frontale." Désormais référencé par le groupe Coca-Cola à Atlanta, Dom’eau a cette fois bénéficié d’un atout pour décrocher le marché de Mayotte, où les travaux de construction de la station d’épuration de l’usine débuteront en novembre. "Coca Mayotte appartient à un groupe sud-africain, ce qui peut nous donner une ouverture sur le marché d’Afrique du Sud", souligne Gilles Couapel, pas encore rassasié d’expansion internationale. Pour l’heure, les marchés malgache et mahorais dépassent à eux deux le million d’euros de chiffre d’affaires. La station d’épuration de Tananarive est en voie d’achèvement et "elle n’a rien à envier aux plus belles stations d’épuration de la Réunion", affirme Gilles Couapel. Malgré ce succès et la réalisation de 35 % de son chiffre d’affaires annuel à l’export, celui qui porte entre autres casquettes celle de vice-président du Club-Export reste le premier à déplorer la multitude d’obstacles qui freinent le développement des entreprises locales à l’export. "Seul 1 % des entreprises réunionnaises exportent contre 7 % en métropole, souligne Gilles Couapel. C’est complètement aberrant compte tenu de notre situation géographique !" Selon lui, plusieurs raisons à cela. D’une part, le marché local, "bon, solvable et confortable", n’incite pas les entreprises à se jeter à l’eau. Mais surtout, celles qui manifestent des velléités d’aller voir ailleurs se confrontent vite à un système complètement inadapté. Procédures administratives kafkaïennes, comportement frileux des banques et des assurances, prix exorbitant des billets d’avions, absence de groupage pour le fret... Tout semble fait pour dissuader les locaux de se vendre à l’extérieur. "Il n’y a jusqu’ici aucune volonté réelle des politiques, des institutionnels, des collectivités, ni même des compagnies maritimes ou des transitaires, dénonce Gilles Couapel. Si vous voulez envoyer une palette à un client malgache potentiel, vous n’avez d’autre choix que de payer un conteneur de 30 m3..." Quant aux billets d’avion, inutile de songer à les facturer. "Je n’ose même pas dire à mes clients que je paie 750 euros pour aller à Madagascar ou 380 euros pour Maurice, c’est la honte !, lance Gilles Couapel. Surtout quand on sait que les hommes d’affaires mauriciens paient deux fois moins pour venir sur notre île." Et ce n’est pas tout. Le foncier constitue aussi un frein patent au développement des entreprises locales. Gilles Couapel aurait besoin pour répondre à la croissance de son activité d’une superficie de travail deux à trois fois supérieure à celle qu’il occupe aujourd’hui. Mais malgré ses multiples sollicitations auprès des collectivités locales, impossible d’obtenir un terrain dans la zone. "On m’en a proposé un que j’ai dû refuser, précise-t-il. Il aurait fallu que je débourse 450 euros/m2, c’est disproportionné. En attendant, je dois renoncer à certains marchés par manque de place." Pour Gilles Couapel, la situation est plus grave qu’il n’y paraît. "S’ouvrir à l’international va devenir incontournable pour s’en sortir dans les prochaines années, affirme Gilles Couapel. Sans activité hors de l’île, Dom’eau compterait deux fois moins de salariés à la Réunion. L’export crée aussi de l’emploi sur l’île." Le chef d’entreprise d’ajouter : "Il en va de l’avenir de l’économie locale. La Réunion est trop tournée vers son marché intérieur. N’attendons pas le retour de manivelle. Il faut créer un bloc économique régional. Tout seul dans ton coin, tu n’es rien !", conclut-il.
Séverine Dargent
35 % du chiffre d’affaires réalisé à l’export
Dom’eau a été fondée en 1991 par un groupe d’associés dont Gilles Couapel qui, directeur de la société, en a depuis racheté toutes les parts. Dom’eau, dont le siège est situé sur la zone artisanale du Port compte 35 salariés dont 20 à la Réunion, 10 à Madagascar (filiale implantée depuis 1998) et 5 à Maurice (filiale depuis 2005). Leader dans l’océan Indien, elle est spécialisée dans la conception, l’assemblage et la fabrication de matériel de traitement de l’eau. Son chiffre d’affaires de 2,5 à 3 millions d’euros annuels est réalisé pour un quart auprès des particuliers (purificateurs et fontaines à eau) et pour les trois quarts auprès des industriels (stations de traitement des eaux de process, circuits de refroidissement et circuits vapeur, stations d’épuration des industries ou de l’équipement collectif).