samedi 7 mars 2009

Le Burundi et les Pays de la Loire travaillent main dans la main

Petit pays d’Afrique de l’Est entouré de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de la Tanzanie, le Burundi se remet doucement de la guerre civile entre Hutus et Tutsis.

Rencontre avec Jean-Jacques Nyenimigabo, ministre burundais de la jeunesse, des sports et de la culture, qui explique qu’un accord signé entre son gouvernement et la région Pays de la Loire favorise la réconciliation nationale.

Votre pays sort tout juste de la dramatique guerre civile entre Hutus et Tutsis. Aujourd’hui, quelle est la situation ?
Le Burundi est en pleine reconstruction économique, physique et morale. La guerre civile et les terribles massacres entre Hutus et Tutsis ont touché tous les secteurs. La population a été très affectée : 60% des plus jeunes ont participé aux conflits ! Aujourd’hui, le gouvernement s’applique à remettre cette jeunesse sur pied. Car la paix doit d’abord revenir dans les cœurs. Cette marche pour la paix, nous l’appelons la «réconciliation nationale». Pour conforter la démocratie, nous nous concentrons donc sur les moyens d’apaiser les tensions, de retrouver un esprit patriotique et de redonner au Burundi l’esprit de solidarité indispensable à sa reconstruction.

Invité, à Nantes, au Carrefour des acteurs de la coopération internationale, vous soulignez l’importance d’un accord signé entre votre pays et la région Pays de la Loire. Pourquoi ?
Nous parlons ici d’un accord signé dans le cadre de la coopération décentralisée. Encadrée en France par une loi de 1992, elle permet aux villes, aux départements et aux régions de France d’engager des actions avec des collectivités étrangères. Comme le souligne mon ami Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire, ce type de partenariat est « solidaire, fraternel et durable ». Car il ne s’agit pas d’un jumelage classique entre deux collectivités territoriales mais d’une collaboration entre une région et un pays. Dans le cas du Burundi, la coopération s’articule autour de quatre axes : le sport, la santé, l’environnement et l’agroalimentaire. Elle est basée sur les échanges de connaissances et de compétences. Ensemble, nous fédérons les énergies et les savoir faire. La mondialisation prend ici tout son sens : elle n’est pas basée sur la libre circulation des capitaux et des produits mais sur celle des femmes et des hommes. Les Pays de la Loire accompagnent la « réconciliation nationale » du Burundi car ils mettent à notre disposition des moyens techniques et humains.

Pouvez-vous donner des exemples concrets ?
Nous avons précédemment parlé de la jeunesse, à qui il faut donner les moyens de se réconcilier. Sur ce point, nous avons parié sur le sport, qui permet aux jeunes de reprendre des forces en retrouvant des valeurs communes. Dans ce cadre, les Pays de la Loire nous aident à mettre en place des actions qui fédèrent : des formations d’animateurs sportifs et socio-sportifs, la rénovation des structures (gymnases, terrains de sports), des démarches en handisport, en faveur des anciens soldats mutilés, un bus mis à disposition des joueurs pour les déplacements nationaux… Les actions mises en place autour du football et du rugby par exemple, sont utilisées à des fins éducatives voire thérapeutiques. Car ces disciplines permettent de gommer les différences et les inégalités. Sur un terrain, les jeunes partagent les mêmes valeurs. Ils retrouvent l’esprit d’équipe indispensable à la reconstruction du pays dans sa globalité. Du côté de l’environnement, la collectivité ligérienne nous a aussi offert les moyens humains et techniques de réhabiliter la réserve naturelle de Ruvubu. Sur l’axe santé, les apports sont considérables : un centre a été créé au CHU de Kamenge et des médecins burundais sont formés par leurs homologues français pour traiter le problème des fistules, véritable fléau pour les femmes burundaises. Concernant l’agroalimentaire, l’envoi par nos amis ligériens d’une machine à glace pour conserver et transporter le poisson a révolutionné la filière pêche. Aujourd’hui, sur les marchés, la population peut enfin trouver du poisson frais. En terme d’économie et d’hygiène alimentaire, cet exemple est parlant : le Burundi entre dans une vraie phase de progrès.

Pourquoi cet accord permet-il de stabiliser la situation dans votre pays ?
Basées sur des échanges directs et des actions concrètes, cette alliance est plus humaine et plus opérationnelle qu’une alliance entre deux pays. Les réponses aux besoins sont rapides et donc plus efficaces. Les relations entre la région Pays de la Loire et le Burundi donnent un coup d’accélérateur à la «réconciliation nationale ». Prenons l’exemple du sport : former des enseignants au handisport correspond parfaitement à la réalité car même les mutilés de guerre se retrouvent sur un terrain pour « se battre et gagner » ensemble. Avec un ballon pour « s’affronter », les jeunes se préoccupent moins de savoir s’ils sont Hutus ou Tutsis : ils sont tous Burundais. Ils font partie d’un peuple qui a un même objectif : se réunifier pour aller de l’avant. C’est en cela que l’accord avec les Pays de la Loire permet au Burundi de stabiliser la situation. Et ce partenariat est aujourd’hui une référence internationale. Depuis que nous travaillons main dans la main avec les ligériens, des États envisagent de nous accompagner, comme la Belgique qui nous a proposé son aide. La coopération décentralisée avec les ligériens est donc la locomotive qui a pu drainer d’autres coopérations. C’est une vraie réussite humaine et politique.

Propos recueillis par Samia Douillard