Temoignages [La Reunion] , lundi 16 mars 2009
Des Assises nationales convoquées par la Confédération des Eglises Chrétiennes (FFKM), appuyée par le représentant du Secrétaire Général de l’ONU et les représentations diplomatiques en poste à Antananarivo, auraient du débuter le 12 mars. Selon l’annonce faite le 9 mars, ces Assises nationales étaient prévues pour examiner les propositions de sortie de crise ; d’après les rumeurs, 90 participants étaient attendus, dont le tiers issus de la mouvance Ravalomanana, le tiers représentant la mouvance Andry Rajoelina, et le dernier tiers représentant la société civile, les syndicats et autres groupements.
La tenue de cette réunion avait obtenu l’aval de Marc Ravalomanana. Or, le Comite National de Coordination (CNC) qui rassemble derrière Andry Rajoelina une trentaine de partis et organisations politiques associations, représentant la société civile, a déclaré dès que fut connue l’information qu’elle ne participerait pas à ces Assises. Le CNC rappelle que les préalables acceptés par les deux parties directement concernées dès l’ouverture du dialogue n’ont pas été respectés par Marc Ravalomanana.
Par ailleurs, sept associations, qui ont décidé de leur côté de convoquer des Etats généraux de la Démocratie, ont posé publiquement des questions fondamentales à propos de ces consultations présentées comme « élargies ». En effet, des questions surgissent au sein des diverses composantes de la société : pourquoi 90 participants ? Sur quels critères a été basé le choix des participants ? Quel est l’objectif de ces Assises nationales ? Quel en est l’ordre du jour ? etc…
Les plus sceptiques soupçonnent derrière ces Assises une manœuvre de Marc Ravalomanana, qui persiste à se maintenir à son poste de Président de la République, et tente d’obtenir, pour ce faire, l’onction de ces Assises nationales. En vain, la veille des Assises, un communiqué informait qu’elles avaient été reportées sine die.
L’armée refuse d’exécuter les ordres de Marc Ravalomanana
Sur le terrain, les évènements se sont succédé à grande vitesse durant ces derniers jours. La mutinerie qui a éclaté au camp militaire CAPSAT (évoqué dans le document “Crise à Madagascar — 9 —”) le 8 mars s’est étendue rapidement au sein de l’armée à Antananarivo, Arivonimamo, Fianarantsoa, etc…
Le 9 mars, des sous-officiers du CAPSAT prennent possession du Ministère de la Défense, puis rencontrent le ministre, le vice-amiral Mamy Ranaivoniarivo et lui demande de signer une lettre de démission. Après discussions, le ministre se plie à cette demande, et lit devant les journalistes les officiers et sous-officiers présents sa lettre de démission signée de sa main, le cachet du Ministère faisant foi ; dans l’après-midi, il devait pourtant déclarer « qu’il avait démissionné sous la pression » et était toujours ministre !
Par ailleurs, les militaires du CAPSAT ont précisé d’une part qu’il ne s’agissait pas « d’un coup d’état militaire », mais d’une remise en ordre et de la restructuration de l’Armée, et d’autre part, qu’ils désapprouvaient la mise en place d’un Directoire Militaire.
Le 10 mars, les militaires du CAPSAT annonçaient qu’ils avaient reçu le soutien de neuf chefs de corps de l’Armée ; dans la soirée, c’est le colonel de la Gendarmerie chargé des forces d’intervention qui déclare que la Gendarmerie soutient le mouvement du CAPSAT.
Ce même jour, fut présenté aux militaires le nouveau chef d’Etat Major Général de l’Armée (CEMGAM), le colonel André Ndrianarijaona
Le 11 mars, les sous-officiers de la Gendarmerie de Fianarantsoa apportent leur soutien au mouvement du CAPSAT et exigent la démission de Marc Ravalomanana.
Le 12 mars, le Général de la Gendarmerie Pily Gilbin, ayant en charge toutes les unités de la Gendarmerie, confirmait cette prise de position, et condamnait l’utilision de mercenaires pour mater le mouvement populaire pour la démocratie.
Chantage de la Communauté internationale
Le jeudi 11 mars, la Communauté internationale, par le biais du doyen du corps diplomatique, faisait une déclaration dans laquelle elle présentait les Assises nationales comme une « réunion de la dernière chance » pour mettre fin à la crise.
L’opinion malgache a été vivement choquée par les termes de cette déclaration qui, à travers ses lignes, prévient le Peuple malgache que l’échec des Assises nationales aurait des résultats négatifs sur la coopération avec la Communauté internationale, pour le présent comme à l’avenir. Les représentants des bailleurs de fonds traditionnels étant présents lors de la lecture de cette déclaration, on en comprend la signification. Une seule petite phrase se voulait respectueuse de la volonté du Peuple malgache « à qui il revient en premier de trouver les solutions aux problèmes malgaches ».
Le Peuple malgache a en effet commencé à résoudre ses problèmes, car dans la journée du jeudi 12 mars, le Gouvernement de transition a installé dans leurs bureaux respectifs le Premier ministre Monja Roindefo au Palais de Mahazoarivo et le ministre des Finances et du Budget Benja Razafimahaleo, qui assure la tutelle de la Banque Centrale à Antaninarenina. A noter que l’installation de ces deux dirigeants s’est passée sans incidents, avec l’assistance des éléments des forces armées.
Que dira la Communauté internationale face à l’échec des Assises nationales souhaitées par Marc Ravalomanana ? Mais encore, va-t-elle condamner l’attaque au cocktail Molotov perpétrée dans la nuit du 11 mars contre le domicile de Mgr. Odon Razanakolona, Président du FFKM, par des partisans supposés de Marc Ravalomanana ?
Nombre de journalistes n’ont pas caché leur colère devant la partialité de la Communauté internationale dans cette crise.
Les mercenaires entrent en action
Dans leurs déclarations à la presse, les responsables de la gendarmerie, de l’armée et de la police ont unanimement condamné l’utilisation de mercenaires, qui ont été intégrés dans les forces armées pour réprimer les manifestants en faveur de la démocratie. Des observateurs étrangers ont pris à la légère les informations émanant de la population et de quelques journalistes, accusés d’affabuler.
Actuellement, ce sont les hauts responsables des forces armées qui confirment que de nombreux mercenaires sont entrés — ou vont entrer — sur l’île, par Fort-Dauphin et Morondava ; ils ont appelé tous les éléments de l’armée, de la gendarmerie, de la police à les considérer comme des ennemis et à les traiter comme tels ; Ils ont appelé la population à se dresser contre ces envahisseurs d’un nouveau genre.
Double langage de la SADC
Suite à la réunion du Conseil des Ministres de la SADC présidée par le ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud et non moins président de ce Conseil, Bkosazana Diamini Zuma, à Cape Town le 27 Février dernier, cette organisation régionale « n’envisage pas la destitution illégale du Gouvernement légitime au pouvoir et s’engage à fournir l’assistance nécessaire à Madagascar en matière de formation pour les forces de sécurité et d’équipement anti-émeutes ». Une manière de dire que la SADC va soutenir le régime en place par l’envoi des armes et des hommes. Or, de l’autre côté, la SADC encourage le processus de dialogue en cours à Madagascar et recommande avec insistance que toutes les parties prenantes aux négociations maintiennent leur engagement au processus jusqu’à ce qu’une solution pacifique soit trouvée et s’abstiennent de recourir à la violence pour résoudre leurs différends.