Rumeurs ou manipulations presidentielles a Madagascar
La presse malgache a fait écho à une « sévère mise en garde » du président Marc Ravalomanana faite lors d’un Conseil des ministres (lundi -Ndlr) principalement axé « sur le renforcement de la sécurité nationale » précise "le Quotidien" de Madagascar. Le président malgache en a appelé à la vigilance de la population, contre toute « tentative de déstabilisation », sans désigner personne, si ce n’est des « experts en déstabilisation et faiseurs de troubles », qui ne semblent pas avoir alerté la presse malgache outre mesure.
Le fondement de la conférence de presse tenue par la présidence malgache réside dans la découverte « de défenses pneumatiques suspectes sur les côtes de Manakara » (sud-est), rapporte encore "le Quotidien", qui fait état des soupçons présidentiels sur de possibles « trafics d’armes utilisant les transports maritimes ».
L’information est reprise dans l’Express et dans "Madagascar Tribune". "L’Express" fait état de « tentatives d’introduction illégale d’armes en vue d’une déstabilisation », dont les auteurs ne sont pas désignés. Le président malgache, rapporte "l’Express", « laisse seulement entendre une menace aussi bien depuis l’intérieur qu’à l’extérieur du pays » et annonce l’ouverture d’une enquête. Ce même journal rapporte que « l’opposition ne croit pas à l’affirmation du chef de l’Etat » et « n’écarte pas une “tentative de diversion”, selon les termes de l’ancien sénateur Bruno Betiana ». Ce dernier, rapportant les propos d’un dirigeant du Comité pour la Réconciliation nationale (CNR), aurait confié à "l’Express" que « le gouvernement n’a plus de recours face aux crises que traverse le pays et essaie de détourner l’attention de l’opinion publique ».
Et "l’Express" de conclure : « Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat utilise la stratégie du coup de semonce pour prévenir ce qu’il qualifie d’actes de déstabilisation. L’on se souvient encore de la mise en garde présidentielle retentissante à l’encontre de certains individus. A l’époque, il avait évoqué un réseau servant à alimenter financièrement l’opposition depuis l’étranger en vue d’une déstabilisation. Mais pour une raison ou une autre, l’affaire est restée sans suite. »
Sous le titre « C’est plus Bob Dénard ! » "Madagascar Tribune" aborde le contenu de la conférence de presse du président malgache sous un angle plus économique : « Au moment où des régions du pays, tel Taolanaro (Fort-Dauphin) ou Toamasina (Tamatave) ou Ambatovy-Moramanga, ou encore la Sofia et le Melaky, commencent à voir des chantiers en cours et des industries s’installer, le pouvoir dénonce des tentatives de déstabilisation » écrit ce journal, en semblant ne pas trop prendre au sérieux l’alerte à la "déstabilisation". Le journal compare les « mises en gardes » de l’actuel président aux “vieux démons” de ses prédécesseurs : « Le fantôme du communisme hantait le président Philibert Tsiranana. L’ombre de Bob Denard et d’autres mercenaires en provenance d’Afrique du Sud tournaient toujours autour du président Didier Ratsiraka (...). Aujourd’hui, on invoque le terrorisme et des manœuvres de déstabilisation par introduction d’armes » relève encore "Madagascar Tribune".
Ce journal note aussi que l’appel du chef de l’Etat à la “mobilisation contre le terrorisme” survient « dans un contexte d’anxiété générale » et il est le seul des quotidiens cités ici à lier, dans sa conclusion, les deux thèmes abordés par le président malgache lors de la conférence de presse : la mise au jour d’un éventuel trafic d’armes et la volonté affichée du gouvernement malgache de lutter contre le blanchiment d’argent à Madagascar.
"Madagascar Tribune" conclut en effet en ces termes : « ... quand on réfléchit sur les craintes exprimées par Manandafy Rakotonirina (dirigeant du MFM, un parti proche de Ravalomanana mais resté hors de la mouvance présidentielle - Ndlr) à propos de l’exploitation de pétrole et des autres richesses de notre sous-sol (Nickel, Cobalt, Ilménite, émeraude, diamant...) et de la concurrence entre les pays du Nord et entre les grandes compagnies, on peut être édifié sur ces soupçons. La Corne de l’Afrique est en ce moment victime du combat auquel se livrent, par milices et mercenaires interposés, les grandes puissances européennes et américaines et les multinationales, si bien que l’insécurité règne jusque dans la partie nord-ouest de l’Océan indien. Des accointances avec des résidents à Madagascar ne sont pas impossibles. »