Baisse de l’octroi de mer : Vergès rejette la proposition de Jégo
Pour la Région, la baisse ou la suppression de l’octroi de mer sur les produits de première nécessité n’a pas de sens. Paul Vergès remet en cause la “responsabilité” des déclarations d’Yves Jégo et renvoie la balle à l’Etat, notamment sur la question non posée de la TVA.
Décidément, le courant ne passe pas entre la Région et le gouvernement. Parmi 15 mesures de l’Observatoire des prix en faveur du pouvoir d’achat des Réunionnais, Yves Jégo a déclaré le 11 juillet qu’il allait solliciter de la Région “la suppression de l’octroi de mer sur les produits de première nécessité”. La réponse de l’intéressée s’est faite attendre, mais a le mérite d’être claire : “On ne peut pas baisser ou supprimer moins que zéro”. Dans un autre style, “zéro moins zéro est égal à zéro”, dira Yvon Virapin, vice-président.
Directement concernée par la mesure, puisque c’est elle qui collecte les recettes de la taxe locale, la Région a sorti hier ses tableaux et ses chiffres. La suppression de l’octroi de mer sur le riz, le lait ou le pain sera sans incidence sur le pouvoir d’achat de la ménagère puisque ces produits, de première nécessité, ne sont plus taxés depuis la réforme du régime en 1989. Idem pour la morue séchée. En revanche, la taxe frappe à l’importation le beurre (6,5%), les huilles végétales (18%), les oignons (18%), l’eau (6,5%) ou le savon (13%)...
“L’octroi de mer est égal à zéro, depuis près de 20 ans, sur la majorité des produits de base. On se moque des gens”, insiste Paul Vergès, visiblement agacé par la polémique qui s’est créée. “En revanche, ce n’est pas le cas de la TVA”.
Chiffres à l’appui, la Région montre que la TVA qui est encaissée par l’Etat, ne s’applique pas sur le riz, mais frappe le lait ou le pain, même à taux réduit (2,1%). De même, elle rapporterait dans l’île près de 100 millions de plus que l’octroi de mer. “L’Etat est-il prêt à en discuter ?”, demande le président de Région.
Très remonté contre “les gens qui sacralisent une taxe dépendant du gouvernement et qui s’attaquent à l’octroi de mer là où il n’existe pas”, Paul Vergès a tenu à sortir l’artillerie lourde pour leur rapprocher “leur ignorance” et leur “irresponsabilité”. Yves Jégo, mais également les membres de l’Observatoire des prix en prennent pour leur grade...
“Zéro moins zéro est égal à zéro”
Rappelant que l’octroi de mer est avant tout destiné à protéger l’économie locale, Paul Vergès a indiqué que la baisse de la taxe sur les produits importés serait équivalente à prendre le risque de condamner les entreprises locales et leurs emplois. “Il y a t-il une logique à proposer l’aggravation sociale à La Réunion. Où va-t-on ?” Les communes perçoivent ensuite près de 80% des recettes de l’octroi de mer. Les maires ne voient pas d’un bon oeil la remise en cause du régime. “Un point sur lequel tous les maires seront pour une fois unanimes”, lâche Paul Vergès, avec une pointe d’ironie.
Une autre perspective inquiète la Région. Paul Vergès a en effet pris le temps d’expliquer que l’octroi de mer est un dispositif en pleine période d’évaluation par l’Union européenne, et sous pression des négociations d’accords de partenariat économique (APE) avec les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Alors que l’Etat doit rendre avant le 28 juillet un rapport à Bruxelles sur l’avenir de l’octroi de mer, la Région dénonce “le double langage du gouvernement qui demande ici sa suppression et qui continue à dire à Bruxelles qu’il ne faut pas y toucher”.
On le comprend, la Région n’est pas du tout disposée à répondre aux attentes du secrétaire d’Etat à l’Outre-mer et de l’Observatoire. Reste à savoir la réaction de Yves Jégo. Au final, l’octroi de mer, de même que la TVA, contribue à faire monter les prix dans l’île, sans compter le transport et les assurances. La Région et l’Etat se sont engagés dans une partie de ping-pong. Pas sûr qu’au milieu de tout ça la ménagère réunionnaise y gagne en pouvoir d’achat...