mercredi 18 juin 2008

Une stratégie pour promouvoir les régions ultrapériphériques

Les interventions de l'UE devraient stimuler, via des partenariats publics/privés, l'esprit d'initiative pour développer des pôles d'excellence dans les régions ultrapériphériques en s'appuyant sur les secteurs qui valorisent leurs atouts et leur savoir-faire, comme la gestion des déchets, les énergies renouvelables, l'autosuffisance énergétique, la biodiversité, la mobilité des étudiants, la recherche dans le domaine climatique ou encore la gestion des crises, souligne un rapport d'initiative.

Confrontées à des handicaps tels que l'éloignement, le caractère insulaire, une faible superficie, un relief et un climat difficiles, une dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, les régions ultrapériphériques bénéficient d'un statut particulier. L'Union européenne compte sept régions ultrapériphériques parmi lesquelles figurent les quatre départements français d'Outre-mer (la Guadeloupe, la Guyane, l'Ile de la Réunion et la Martinique), ainsi que les régions autonomes portugaises des Açores et de Madère et la Communauté autonome des Iles Canaries. Le traité de Lisbonne inclura dans la liste des régions ultrapériphériques (RUP) les îles Saint-Martin et Saint Barthélémy, toutes deux séparées politiquement et administrativement de la Guadeloupe, en tant que nouvelles RUP.

La Commission a lancé un débat sur l'avenir de la stratégie pour les régions ultrapériphériques (RUP), en mettant l'accent sur quatre enjeux: le changement climatique, l'évolution démographique et la gestion des flux migratoires, l'agriculture et la politique maritime.

Selon le Traité d'Amsterdam, toutes les politiques communautaires doivent intégrer des mesures spécifiques en faveur des régions ultrapériphériques. Il mentionne en particulier les politiques douanière, commerciale, fiscale et agricole, ainsi que celles de la pêche, des aides d'Etat et la politique régionale. Cependant, les priorités politiques de l'UE doivent être cohérentes avec "des engagements internationaux toujours plus contraignants imposés par la globalisation, notamment devant l'OMC, et vont parfois à l'encontre des interventions spécifiques mises en œuvre en faveur des RUP", soulignent les députés.

Tout en se félicitant de la consultation publique sur l'avenir de la stratégie de l'Union à l'égard des RUP, le rapport de Margie Sudre (PPE-DE, FR), adopté ce mardi à une large majorité par 592 voix pour, 70 voix contre et 22 abstentions, formule un certain nombre de recommandations concernant les principaux domaines d'activité.

Agriculture

Le rapport prend acte des résultats satisfaisants obtenus dans le cadre des programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) agriculture et pêche, ainsi que pour les filières canne-sucre, rhum et banane, et préconise une prise en compte effective "des conséquences financières qui pourraient résulter pour ces filières agricoles des négociations internationales en cours et des actions engagées à l'OMC". Les députés restent vigilants à l'approche de la révision à mi-parcours des POSEI et de l'évaluation des régimes fiscaux différenciés.

Les députés demandent aussi que le soutien communautaire à l'agriculture des RUP fasse l'objet de réflexions poussées sur l'identification des enjeux réels, la nécessité d'évoluer vers une autosuffisance locale, le niveau de revenu des agriculteurs, le soutien aux organisations de producteurs pour promouvoir la commercialisation de leurs produits, l'importance de la dimension environnementale et la prise en compte de l'impact de l'ouverture commerciale mise en œuvre par les Accords de partenariat économiques (APE) et par les futurs accords de libre-échange en cours de négociation avec plusieurs régions d' Amérique latine.

Pêche

La Commission est invitée à intégrer dans son plan des mesures d'aide aux secteurs de la pêche de ces régions et à garantir à leurs flottes de pêche une discrimination positive dans l'accès aux ressources halieutiques existant au large de leurs côtes, ainsi qu'à sauvegarder avec une attention toute particulière le caractère durable de la pêche artisanale.

Selon les députés, les RUP doivent être placées au cœur de la politique maritime de l'Union. Ils insistent pour que le débat sur cette question soit notamment axé sur le rôle qu'elles peuvent jouer en matière d'exploitation durable des mers, des océans et des zones côtières, ainsi qu'en matière de gouvernance maritime internationale.

Commerce

Le Parlement déplore "le désintérêt de prime abord affiché par la DG Commerce pour la prise en compte des spécificités ultrapériphériques lors de la négociation des APE", et demande instamment à la Commission de "continuer à rechercher des compromis respectueux des intérêts des RUP concernées dans le cadre des accords définitifs qui seront conclus avec les pays ACP".

Transports

Les députés s'inquiètent de certaines mesures proposées par la Commission dans le domaine des transports, particulièrement l'évaluation des besoins spécifiques ou la prise en compte des externalités environnementales, et réaffirment la nécessité d'un traitement différencié pour les RUP sur ce sujet, notamment pour ce qui concerne l'inclusion de l'aviation civile dans le système européen d'échange de quotas d'émission (ETS), afin de ne pas remettre en cause les efforts réalisés pour compenser leur déficit d'accessibilité.

Le rapport souligne l'importance des services publics pour la cohésion économique, sociale et territoriale des régions ultrapériphériques, notamment dans les secteurs des transports aériens et maritimes, de la poste, de l'énergie et des communications.

Centres d'excellence

Les députés estiment que les interventions communautaires doivent produire l'effet d'un catalyseur de l'esprit d'initiative pour développer, à partir des RUP, notamment dans le cadre de partenariats publics/privés, des pôles d'excellence en s'appuyant sur les secteurs qui valorisent leurs atouts et leur savoir-faire, tels que la gestion des déchets, les énergies renouvelables, l'autosuffisance énergétique, la biodiversité, la mobilité des étudiants, la recherche dans le domaine climatique ou encore la gestion des crises.

Un amendement adopté en session plénière demande que les efforts jusqu'ici engagés en direction des RUP soient poursuivis pour "accroître la mise en place de dispositifs locaux de recherche à la hauteur des potentiels, d'une part, et favoriser et aider le développement d'universités attractives, performantes, dotées de réels moyens, et à la hauteur des universités présentes sur les territoires de l'Union, d'autre part".

Pour surmonter l'exiguïté des marchés locaux, l'environnement compétitif de plus en plus ouvert, ainsi que l'accès difficile à des débouchés vers le marché continental européen ou dans leurs zones géographiques respectives, le rapport préconise de réfléchir à l'amélioration de l'articulation des financements FEDER/FED et FEDER/ICD pour les projets de coopération avec les pays voisins. De même les députés recommandent la participation effective des RUP aux politiques européennes d'innovation et de lutte contre la fracture numérique, pour garantir le plein accès des populations aux médias et aux moyens de communication offerts par les nouvelles technologies, comme par exemple l'accès à l'internet à large bande.

Enfin, le rapport demande à la Commission, au Conseil et aux autres institutions de l'Union concernées "de ne pas éluder le financement communautaire de la stratégie de l'Union en faveur des RUP dans le futur, ni la compensation des handicaps relatifs à l'ultra-périphéricité".

Débat

Lors du débat de lundi soir, le rapporteur, Margie Sudre, a rappelé que son objectif général est de favoriser le développement économique des RUP et ainsi de "garantir aux populations ultramarines une réelle prospérité, renforcer leur compétitivité, convaincre que l'avenir de l'Europe passe aussi par ces territoires éloignés". Elle a souligné que le bilan de la Commission sur le partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques est "pour le moins partiel, ne traduisant pas toujours les difficultés rencontrées sur le terrain". Elle aimerait, notamment, qu'une plus grande attention soit accordée "aux services publics, aux aides d'État, au maintien des régimes fiscaux différenciés, au caractère persistant du chômage et des inégalités, aux moyens de surmonter l'exiguïté des marchés locaux, à l'insertion dans l'espace européen de la recherche, à la participation effective aux politiques européennes d'innovation et de lutte contre la fracture numérique".

Le rapporteur a souhaité également que la Commission adapte mieux ses politiques actuelles et futures aux réalités ultrapériphériques "pour apporter une réponse à leurs contraintes permanentes" et continue à rechercher des compromis respectueux des intérêts des RUP dans le cadre des accords définitifs qui seront conclus avec les pays ACP et de donner une véritable consistance au plan d'action sur le grand voisinage, pour le grand voisinage.

Dans le domaine des transports, Margie Sudre s'est inquiétée de l'inclusion de l'aviation civile dans le système européen d'échange de quotas d'émission de CO2. Selon elle, "les interventions communautaires doivent être un catalyseur de l'esprit d'initiative pour développer des pôles d'excellence en s'appuyant sur les secteurs qui valorisent les atouts et les savoir-faire des RUP, tels que la gestion des déchets, les énergies renouvelables, l'autosuffisance énergétique ou encore la biodiversité".

Pour le groupe ALDE, Jean-Marie Beaupuy (FR) a souligné qu'"à l'époque où notre planète est devenue un très petit village, (…), ces régions ultrapériphériques sont une grande chance pour l'Union européenne". Outre les grands atouts aux niveaux agriculture, pêche, recherche, technologie, tourisme des régions ultrapériphériques, "c'est là le plus grand espace maritime avec 25 millions de km2". En tant que président de l'intergroupe Urban, il a cité le cas particulier des villes, où se concentrent les questions de chômage "qui sont trois fois plus importantes que dans notre continent" et les migrations. Selon le député, la Commission "a une occasion extraordinaire d'imposer aux différents fonds européens, mais aussi aux différentes politiques, aux différents projets gouvernementaux, régionaux et locaux, l'approche intégrée"., sans quoi, "il n'y aura pas d'efficacité dans ces régions ultrapériphériques".

"Le rapport qui sera soumis demain au vote du Parlement rappelle avec pertinence que les spécificités des régions ultrapériphériques sont également une partie de leur force", a estimé Catherine Neris (PSE, FR) qui s'exprimait en son nom propre. Elle a plaidé pour le maintien de filières agricoles de qualité et pour l'essor d'un véritable pôle touristique "basé sur des richesses de nos paysages et de notre patrimoine culturel". La députée a également préconisé une meilleure coopération avec les pays tiers voisins et la promotion "d'une véritable excellence en termes de recherche scientifique, et en particulier dans les secteurs maritime, climatologique et environnemental". Pour atteindre ces objectifs, les politiques publiques européennes devraient se fonder sur l'actuel article 299 (2) du traité, en particulier dans le secteur de l'énergie et des transports, mais aussi dans les politiques commerciales internationales "en tenant impérativement compte des intérêts des RUP" dans la négociation des accords de partenariat économique, a-t-elle ajouté. "Le volontarisme des RUP, réel, sans faille, va de pair avec le besoin d'être traité d'une manière équitable, c'est-à-dire différenciée", a conclu la députée.

Vous trouverez, dès sa disponibilité, le texte adopté tenant compte des amendements éventuels, à l'adresse ci-dessous.
Rapport sur la stratégie pour les régions ultrapériphériques : bilan et perspectives
Amendements
Texte adopté