Les planteurs à Maurice : des co-propriétaires de l’industrie de la canne
35% des actions pour les planteurs, disent des industriels, 40% pour les planteurs, dit Alcodis. A l’origine de cette compétition, une richesse que les planteurs produisent avec la canne à sucre : la mélasse. D’ores et déjà, les planteurs mauriciens ont droit à 31,8 euros par tonne de mélasse. Et cela sans compter qu’ils auront droit à au moins 35% des actions des usines qui valoriseront la mélasse en éthanol. A Maurice, le planteur peut décider des choix industriels de la filière, comme le souligne la compétition entre plusieurs usiniers pour faire entrer les planteurs mauriciens dans le capital de leurs usines construites à Maurice. Force est de constater que cette situation démontre qu’à Maurice, les rapports de production sont totalement différents de La Réunion. Le planteur est le maître du jeu, car il est le producteur d’une plante aux multiples richesses : la canne à sucre.
4,77 millions d’euros, c’est la somme que pourraient toucher les planteurs mauriciens grâce à la mélasse s’ils récoltaient cette année 5 millions de tonnes de cannes. Dans son édition du 26 juin, le journal mauricien "L’Express" explique que dans l’île sœur, les planteurs touchent une rémunération pour payer la mélasse. Cette "prime" est de 31,8 euros la tonne. "L’Express" précise que le montant de ce revenu versé au planteur « est déterminé par celui obtenu pour la mélasse sur le marché hollandais ».
Il est à noter que les planteurs ont obtenu récemment une revalorisation importante de cette "prime mélasse", de 23,8 euros la tonne à 31,8 euros, soit environ 50%.
35% des raffineries pour les planteurs
Rappelons que dans le cadre de l’adaptation de la filière canne mauricienne aux nouvelles règles du marché européen, les planteurs ont le droit d’être actionnaires de 35% de toutes les nouvelles installations industrielles qui seront construites pour valoriser davantage les produits de la canne.
Cet accord avec les usiniers est déjà mis en pratique avec la construction de deux nouvelles raffineries. Ces deux usines devront raffiner chaque année 400.000 tonnes de sucre roux en sucre blanc afin de l’exporter ensuite vers le marché européen où il sera commercialisé par Südzucker. Elles doivent tourner dès la campagne 2009.
Ce qui veut dire que si Maurice produit de l’éthanol, alors les planteurs de cannes à sucre auront droit automatiquement à 35% des actions de cette nouvelle industrie. C’est d’ailleurs ce que confirme Joseph Vaudin dans les colonnes de "L’Express" : « Dans le cadre de l’accord entre la Mauritius Sugar Planters Association (MSPA) et le gouvernement, 35% de l’actionnariat des raffineries et des distilleries d’éthanol, c’est-à-dire les nouvelles unités des sucreries, reviendront aux petits planteurs et aux travailleurs. Je trouve que cette intention de l’Etat est très correcte. Je crois aussi que ces planteurs auront intérêt à ce qu’il y ait un maximum de valeur ajoutée à la mélasse. Vendre ou transformer, je crois que ce sera une question de compétition, une question de rajouter un maximum de valeur à la canne, produite par les planteurs. C’est aux planteurs de décider ».
La mélasse appartient aux planteurs
Lorsque Joseph Vaudin affirme que « c’est au planteur de décider », il décrit une situation radicalement différente de celle de La Réunion. En effet, le planteur a le moyen de peser sur les choix industriels qui sont faits pour valoriser le fruit de son travail.
Cela fait déjà plusieurs années que la filière réfléchit à la production d’éthanol à Maurice, et un acteur veut tenter de les prendre de vitesse, c’est la société Alcodis. Cette dernière a déjà une distillerie d’éthanol opérationnelle à Maurice, annonce "L’Express", et pour convaincre les planteurs de lui vendre de la mélasse, Alcodis veut aller plus loin que ses concurrents industriels : Alcodis propose aux planteurs 40% des actions de l’usine.
La balle est dans le camp des planteurs, souligne "L’Express" qui rappelle que la mélasse « appartient en grande partie aux petits et moyens planteurs qui sont aujourd’hui en mesure de décider de l’avenir de nouveaux projets ».
On est loin de rapports qui existent à La Réunion entre les planteurs et les usiniers. A Maurice, les planteurs ont revendiqué et obtenu une nouvelle répartition des richesses de la canne à travers l’augmentation de la "prime mélasse". Loin d’être accusés par les usiniers de mener des « combats d’arrière-garde » quand ils revendiquent, les planteurs font l’objet de toutes les attentions de leurs partenaires qui sont prêts à leur offrir 35% de la propriété de la nouvelle industrie de la canne.
Manuel Marchal
Les planteurs maîtres du jeu à Maurice
"L’Express" met en évidence le fait que la décision appartient aux planteurs à Maurice, ils peuvent influer sur les choix industriels et donc tirer le meilleur parti de la valorisation de la canne.
« Salil Roy, président d’une association de petits planteurs, ne dit ni oui, ni non à la proposition d’Alcodis. « Nous allons considérer toutes les options », dit cet homme qui s’emballe déjà pour une participation de 35% dans toute raffinerie d’éthanol que mettrait sur pied l’industrie sucrière. D’autant plus que ces planteurs n’auront pas à débourser de l’argent pour obtenir cette participation de 35%. Quoi qu’il en soit, chaque distillerie qu’envisage de construire l’industrie sucrière nécessiterait un investissement d’environ 20 millions de dollars. »
Mélasse : 4,7 millions d’euros pour les planteurs mauriciens, 0 euro pour les planteurs réunionnais
A Maurice, la mélasse extraite de la canne représente 3% du tonnage récolté. Sur la base d’une récolte de 1,8 million de tonnes, et en fonction des critères mauriciens, les planteurs réunionnais pourraient alors toucher 1,7 million d’euros. Contrairement aux planteurs mauriciens, les planteurs réunionnais n’ont droit à rien sur cette valorisation de la canne.
Ce qui fait que sur la base d’une récolte de 5 millions de tonnes de cannes, ils auront droit à 4,7 millions d’euros, et cela sans compter leur prise de participation dans au moins 35% du capital des usines qui produiront de l’éthanol, raffineront du sucre...
Alcodis associé au géant mondial de l’éthanol
« Alcodis est détenu par le groupe Maurel et Alcogroup, un groupe international qui a une excellente expérience dans la production et la vente d’éthanol à travers le monde.
En effet, 25% de l’éthanol du monde sont produits par Alcogroup qui a des distilleries au Brésil, en Afrique du Sud et en Europe. Son expérience brésilienne lui permet d’aider à un transfert de technologie, même si le pays passait à l’E85 qui nécessiterait la transformation des moteurs.
Par ailleurs, EDF Energie Nouvelle détient 25% de l’actionnariat d’Alcogroup.
Expérience et partenariat qui pourrait peser lourd quand l’Etat aura à opter pour un producteur d’éthanol.