Pour une stratégie commune des pays de la COI
Hier s’est conclu à la Région le séminaire "Co-développement durable dans les îles de la COI". C’est une stratégie commune des Comores, de Madagascar, de Maurice, des Seychelles et de La Réunion qui se met en place avant la signature de l’Accord de partenariat économique entre les pays ACP de la COI et l’Union européenne. Au-delà des projets concrets déjà existants, les participants ont abordé les possibilités ouvertes dans le domaine de l’énergie et de la sécurité alimentaire. La synthèse du séminaire plaide pour une plus grande intégration, avec la création d’un comité stratégique regroupant tous les pays de la COI, quel que soit leur statut vis-à-vis de l’Union européenne.
Le séminaire s’est achevé hier sur la restitution des ateliers de travail sur l’alimentation et l’énergie, et par les discours de clôture de Paul Vergès, président du Conseil régional, et Ahmed Ben Saïd Jaffar, président de la COI et ministre des Relations extérieures de l’Union des Comores.
Émergence des superpuissances économiques du 21ème siècle, la Chine et l’Inde, transition énergétique du fait de la rareté du pétrole et des conséquences des changements climatiques, richesses à explorer dans les zones économiques exclusives des pays de la COI : ce sont quelques données structurelles qui marqueront le contexte de la région Océan Indien au cours des prochaines années.
La dynamique de l’Histoire s’amplifie donc pour nos peuples, pour aller vers des changements aussi profonds que ceux que la région a connu au cours des cinquante dernières années, rappelle en substance Paul Vergès. Ce dernier demi-siècle a été marqué pour La Réunion par l’intégration à la France, puis à l’Union européenne. Pour les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles, cette période s’est traduite par les indépendances et un système de relations commerciales privilégiées avec les anciennes métropoles coloniales. Ce sont les Accords de Yaoundé, puis de Lomé et enfin Cotonou.
Anticiper les APE
Mais ces accords préférentiels sont depuis plusieurs années en contradiction avec les orientations données par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’OMC prône le libre-échange, l’Union européenne veut alors changer ses relations avec les pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP) : ce sont les Accords de partenariat économiques, actuellement en cours de négociation dans la région.
Il s’agit alors de réfléchir aux conséquences de ces accords pour la COI, où coexistent des pays de statuts différents, qui ont donc des relations différentes avec l’Union européenne : PMA (Union des Comores et Madagascar), ACP (Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles) et RUP de l’Union européenne (La Réunion).
Au-delà de cette diversité de statuts et d’économies, tous se sont mis autour de la table pendant deux jours pour réfléchir à une stratégie commune. « C’est une prise de conscience de nos diversités et de notre unité », souligne Paul Vergès, ce qui constitue une richesse formidable pour les pays de la COI.
Ce séminaire traduit bien le début d’une nouvelle ère pour les relations de nos pays. C’est l’émergence d’une vision anticipatrice commune, comme le souligne en substance Paul Vergès. La feuille de route issue de ce séminaire est « un signal pour l’avenir », poursuit le président de la Région. Le co-développement, c’est en effet « mettre un contenu au développement durable ». « Notre responsabilité, c’est de défendre la génération qui se lève et qui connaîtra les changements dus à l’accroissement de la population, au réchauffement climatique et à la mondialisation des échanges », conclut-il.
« Eclaireurs de l’avenir »
Pour sa part, Ahmed Ben Saïd Jaffar rend hommage à « deux jours de travail intenses pour repérer les complémentarités ». Il s’agit de « maintenir la concertation pour le rapprochement économique des pays ACP de la COI et de La Réunion », poursuit-il. Cela passe par « affermir la COI », et « renforcer les moyens du secrétariat général de l’organisation ».
La synthèse du séminaire et les recommandations, lues par Monique Andreas Esovelomandroso, secrétaire générale de la COI, abondent dans le sens du renforcement de l’intégration. Le texte appelle à impliquer La Réunion, en sa qualité de région ultrapériphérique de l’Union européenne, dès la conception des projets. Cela vaut par exemple pour les projets ACP financés par le Fonds européen de développement (FED). Les participants du séminaire ont également réfléchi sur le moyen de rassembler sur un même projet les financements FED auxquels ont droit les pays ACP, et ceux du FEDER dont bénéficie La Réunion en tant que région européenne. Le séminaire a permis cette réflexion sans précédent, ajoute Monique Andreas Esovelomandroso. La synthèse recommande qu’un Comité stratégique entre les pays ACP de la COI et La Réunion soit créé, avec des réunions régulières se tenant alternativement dans notre île et à Maurice, où se situe le siège du secrétariat général de la COI.
En conclusion, Paul Vergès rend hommage aux participants du séminaire, « éclaireurs de l’avenir avec un esprit fédérateur », ce qui souligne que l’avenir de chacun d’entre nous passe par l’avenir de tous.
Manuel Marchal (Temoignages)
Des bouleversements à venir
Pour donner une illustration des changements qui se préparent au cours des prochaines décennies, Paul Vergès cite les prévisions d’un institut d’étude économique.
En 2050, la Chine sera la première puissance économique mondiale avec 130% du PIB des Etats-Unis, deuxième. L’Inde sera en troisième position avec 90% du PIB des USA. Le Vietnam aura un PIB comparable à celui de l’Italie. Actuellement, l’Italie fait partie du club des huit pays les plus riches du monde, le G8.
Parallèlement à ces changements, le champ des potentialités pour les pays de notre région est immense. La somme des superficies des zones économiques exclusives (ZEE) des cinq pays de la COI est égale à celle de la Méditerranée et de la Baltique réunies. Dans cet espace, les prises sont effectuées à 97% par des pays qui ne sont pas riverains de l’Océan Indien. Cela donne une idée de la marge de progression qui existe pour les pays de la COI, tout en ayant à l’idée que sur les bords de la Méditerranée et de la Baltique, la pêche et ses activités dérivées représentent de nombreux emplois.
Un outil de travail et de décision
Les participants du séminaire proposent la création d’une base de données pour échanger sur les types de productions et leurs coûts, pour connaître la part d’importation et d’exportation pour chaque produit, et pour identifier les produits d’exportation à haute valeur ajoutée spécifiques à chaque pays.
Cette base de donnée sera un outil de travail et de décision pour les différents États et la stratégie régionale.
Le séminaire propose également la création d’un Observatoire sur les risques sanitaires et phytosanitaires dans la COI, ainsi qu’un renforcement des compétences humaines à tous les niveaux.
Sécurité alimentaire : priorité au riz, aux pommes de terre, aux oignons et au maïs
Ces quatre produits sont qualifiés de « base de la sécurisation ». Un effort commun devra porter sur l’organisation des filières, la formation, la recherche, l’approvisionnement en semence, l’appui à la paysannerie et les infrastructures de stockage.
Les participants à l’atelier "sécurisation alimentaire" plaident également pour le développement d’un label régional, et souhaitent que dans l’élevage, priorité soit donné à la filière bovine. Dans ce contexte, Madagascar pourra être « la principale réserve d’importation pour les autres îles ».
Energies
Ensemble vers l’autonomie énergétique
Dans le domaine des énergies renouvelables, force est de constater un fort potentiel, des complémentarités entre les îles, ainsi que des ressources humaines et des compétences techniques.
Pour valoriser ces atouts et aller vers l’autonomie énergétique des îles de la COI, les participants à l’atelier "énergie" préconisent une stratégie.
Cette dernière comporte des programmes communs : un centre de formation dans chaque île, adaptation des technologies existantes et créations de nouvelles issues de nos spécificités.
Des projets communs sont avancés : l’interconnexion électrique des îles, une plate-forme commune d’approvisionnement d’hydrocarbure pour faire baisser les prix, vulgarisation du fourneau portois.
Pour porter cette stratégie, le séminaire annonce des outils communs. C’est notamment la création d’une agence énergie de la COI pour coordonner les projets.