mardi 27 janvier 2009

Antananarivo à feu et à sang

CLICANOO.COM | Publié le 27 janvier 2009

Des fumées noires ont plané dans le ciel de la capitale de Madagascar hier. Des partisans du maire d’Antananarivo Andry Rajoelina, en colère contre le régime de Marc Ravalomanana, ont incendié les magasins et les stations de télé de ce dernier, ainsi que les bâtiments de la radio et de la télévision nationales.

Bilan de cette journée tragique : un partisan d’Andry Rajoelina tué par balle et 11 morts au cours du pillage du magasin Magro à Tanjombato, suite à des bousculades selon un confrère de L’Express de Madagascar. Comme d’autres bâtiments du groupe Tiko, appartenant à Marc Ravalomanana à Antanimena, au bord de la route digue et à Ankorondrano, ce magasin de Tanjombato a été incendié par les partisans du jeune maire de Tana, Andry Rajoelina, après un rassemblement organisé par ce dernier en milieu de journée.

UNE BALLE EN PLEIN FRONT

La vague de violence a touché d’autres magasins à Ankorondrano, situés à proximité d’une autre grande surface Magro. C’est le cas de Court’s et de Jumbo Score qui ont été pillés. De même que le magasin de matériels informatiques Citic à Andravoahangy. En milieu de journée, une partie des bâtiments flambant neufs de la TVM (Télévision malagasy) et de la totalité de ceux de la RNM (Radio nationale) à Anosy ainsi que le siège de la station MBS (Malagasy Broadcast System) de Ravalomanana à Anosipatrana ont également été saccagés avant d’être incendiés. C’est à cet endroit qu’un manifestant, touché par une balle en plein front, a été tué lors des assauts de la station MBS défendue par des militaires armés. Mis à part ce coup de feu mortel, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues. Ce qui peut conduire à se demander si l’armée est encore derrière Marc Ravalomanana.

Pourquoi les partisans de Andry Rajoelina ont particulièrement ciblé ces médias ? Un peu comme en 1991 au Chaudron, l’étincelle provient d’une histoire de fermeture d’une station de télévision. Contrairement aux autres chaînes, la télé Viva appartenant au jeune maire d’Antananarivo a diffusé non pas un extrait mais l’intégralité de l’interview de 45 mn de l’ancien président Didier Ratsiraka. Les propos de l’Amiral rouge sont jugés « susceptibles de troubler l’ordre et la sécurité publique » par le gouvernement de Ravalomanana qui décide alors de fermer la chaîne Viva, et pas les autres, le 13 décembre dernier. Depuis, Andry Rajoelina n’hésite plus à qualifier de « dictature » le régime de Ravalomanana. En plus du manque de liberté d’expression, condamné par Reporters sans frontières, la « folie des grandeurs » en série comme l’achat de l’avion présidentiel Madagascar Force One, les terrains mis à disposition de l’entreprise coréenne Daewoo, et les emprisonnements de personnalités politiques - et d’universitaires, il y a quatre jours - ou encore l’ambition mal placée d’accueillir le sommet de l’Union africaine à Antananarivo. Suite à l’appel à la grève générale, des barrages sont érigés, hier, dans certains quartiers de la capitale. On raconte aussi que vers 2 h 50 du matin, des « mercenaires sud-africains que Ravalomanana aurait ramené d’Afrique du Sud » (le conditionnel est de rigueur) essayent de démanteler l’émetteur de Viva dans les hauts de la capitale.

GUERRE DES ANTENNES

En réponse, les partisans d’Andry Rajoelina s’en seraient alors pris aux antennes de la TVM et de la MBS. C’est cette guerre des antennes qui a dégénéré tout au long de la journée. Quand bien même, un calme relatif est revenu dans la nuit, d’autant que le projet de veillée funèbre en l’honneur de la victime des balles chez MBS a été abandonné. Dans la soirée, le premier ministre Charles Rabemananjara a annoncé à la télé (il y a huit autres chaînes privées dans la capitale, en plus de MBS, TVM et Viva) qu’une rencontre est prévue entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. De son côté, le premier adjoint au maire a indiqué qu’aurait lieu « une négociation entre les deux parties demain (mardi) ». « On a pu montrer le rapport de force », a-t-il ajouté. Andry Rajoelina a appelé à une nouvelle manifestation pour ce matin. « Le pouvoir appartient au peuple, il peut se l’accaparer. A chaque heure qui passe, le pouvoir prouve la dictature », a lancé le maire

Pana Reeve & Jérôme Talpin


La crise en date

13 décembre : le gouvernement décide de fermer la chaîne de télé privée Viva qui appartient au maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina après la diffusion d’une interview de l’ancien président Didier Ratsiraka chassé du pouvoir par Marc Ravalomanana. Les propos de l’ancien dictateur qui vit en France sont, selon le pouvoir, « susceptibles de troubler l’ordre et la sécurité publique ».
9 janvier : Andry Rajoelina snobe la cérémonie de présentation des vœux des corps constitués à Marc Ravalomanana organisée au palais d’Etat d’Iavoloha. Un acte considéré comme un crime de lèse-majesté par beaucoup de commentateurs. Pire, le jeune maire d’Antananarivo organise même, le lendemain, une cérémonie parallèle.
13 janvier : fin de l’ultimatum fixé au président malgache par Andry Rajoelina qui exige la réouverture de sa chaîne Viva.
17 janvier : Andry Rajoelina réussit à rassembler plus de 30 000 personnes sur la place du 13-Mai à Antananarivo pour l’inauguration de la « place de la Démocratie ». Il exige la réouverture de sa chaîne de télé privée Viva et de tous les médias privés fermés par l’Etat. Il accuse Marc Ravalomanana de corruption et fustige les décisions d’acheter un nouvel avion présidentiel d’un montant de 60 millions d’euros et l’éventuelle location gratuite de 1, 3 million d’hectares de terre agricole à la société sud-coréenne Daewoo Logistics.
24 janvier : nouvelle démonstration de force d’Andry Rajoelina qui rassemble plus de 25 000 personnes, place du 13-Mai. Le maire de la capitale à la « grève générale » et à un rassemblement de l’opposition.
26 janvier : la grève générale se transforme en émeutes dans la capitale.