samedi 26 septembre 2009

Six mois de transition malgache contre vents et marées !

Une fois passé - non sans mal - le cap des négociations de Maputo-1 et Maputo-2, le tandem Andry Rajoelina-Monja Roindefo installé à la tête de la transition malgache depuis le 21 Mars 2009 peine à convaincre les grandes chancelleries, mais continue à attirer les investisseurs internationaux...

Gouvernement unilatéral élargi

Le sommet de Maputo-1 (5-8 Août 2009) a accordé aux Présidents déchus Ratsiraka et Ravalomanana une promesse d'amnistie, au premier pour les évènements post-électoraux de 2002 et au second pour sa condamnation suite au conflit d'intérêts sanctionné en décembre 2008 par les bailleurs de fonds concernant l'achat du Boeing présidentiel "Air Force 2".

Déçu de n'avoir pu confirmer au sommet de Maputo-2 (25-28 Août 2009) sa reconnaissance de fait à la tête du pays, le "ticket" Rajoelina-Monja soutenu par les "Forces de Changement" a mis en place unilatéralement le 07 Septembre 2009 un gouvernement élargi - incluant des hautes personnalités du TIM de l'ex-président Ravalomanana non mandatées par leur mouvance d'origine, comme l'ex-président du Sénat Rajemison Rakotomaharo et le ptésident sortant de l'Assemblée Nationale Jacques Sylla - aussitôt qualifié de "contraire à l'esprit des accords de Maputo " par la SADC et l'Union Africaine.

Parlant au nom des "3 autres mouvances" (Ratsiraka-Zafy-Ravalomanana) co-signataires avec la mouvance Rajoelina de la Charte de Transition de Maputo-1, le Pr Zafy Albert a posé un ultimatum jusqu'au 20 Septembre 2009 à la mouvance Rajoelina, qui refuse de revenir à la table de discussion suite aux incidents violents à Antananarivo du 11 Septembre 2009. Le gouvernement-bis de Monja Roindefo recourt à l'emprisonnement des investigateurs présumés et des fauteurs de ces troubles attribués au camp adverse, tandis que la population de la Capitale s'attend à une montée de la violence et à de nouveaux affrontements entres factions politiques et forces de l'ordre...

Calculs politiques et mouvances

Au sein de la mouvance Rajoelina au pouvoir, les tensions politiques créées par la reconduction forcée du tandem Andry Rajoelina-Monja Roindefo à la tête de la transition accélère les clivages politiques, dans la perspective des échéances électorales de 2010. En effet, les autorités de transition mettent actuellement en route le processus électoral tracé par la feuille de route des premières Assises d'Ivato du 02-03 Avril 2009, avec l'élection des présidents de Fokontany (cellules administratives de base) en assemblées générales de quartier dans tout Madagascar.

Marquant d'une part la rupture avec la mise en place imposée des "Chefs de Fokontany" sous le régime Ravalomanana (mesure qui avait contribué à rendre impopulaire le parti TIM alors au pouvoir), cette première étape est cruciale pour encadrer la mise à jour des listes électorales dans les plus brefs délais - à défaut d'une refonte totale des listes, difficile à mettre en oeuvre sans appui logistique de la part de la communauté internationale. Pour l'association politique TGV (Tanora Gasy Vonona), cette étape constitue aussi un test à la base, avant de lancer la machine électorale jusqu'au triomphe escompté d'Andry Rajoelina à la présidentielle de 2010.

Cependant, la partie est encore loin d'être gagnée pour Andry TGV, qui doit d'abord faire avaliser en Conférence Nationale le principe d'abaissement de l'âge requis pour la présidentielle (les 3 mouvances opposeront certainement à cette occasion une farouche résistance comme ce fut le cas lors des Assises régionales) et ensuite faire plébisciter ce projet de Constitution "taillé sur mesure" par voie référendaire, si possible avant fin 2009 et avec ou sans aide extérieure aux opérations électorales !

Pour mener à terme son odyssée, Andry Rajoelina comptera sans doute sur ses alliés gouvernementaux, notamment l'AVI de Norbert Lala Ratsirahonana - le constitutionnaliste en chef de la Haute Autorité de la Transition -, l'AKFM de Ny Hasina Andriamanjato - vice-Premier Ministre des Affaires Etrangères -, le MONIMA du Premier Ministre Monja Roindefo et le LEADER FANILO de Manassé Esoavelomandroso (grand universitaire et porte-parole des Forces de Changement).

Enfin, certains dirigeants politiques commencent à se démarquer du "tandem indissociable" Rajoelina-Monja, à l'instar de Roland Ratsiraka, (actuellement co-vice-président de la HAT) fort de son score supérieur à 10% des voix et sa 3e place à la présidentielle du 03 Décembre 2006, remportée par Marc Ravalomanana au premier tour avec 54,79% des suffrages exprimés, suivi par Jean Lahiniriko - également co-vice président de la transition actuelle - avec 11,65% des voix.

En effet, faisant valoir son rôle moteur en 2009 dans l'animation du mouvement de masse en provinces, l'ex-Maire de Toamasina (premer port de l'Est malgache) et leader de l'association politique MTS (Malagasy Tonga Saina - absente notoire du gouvernement élargi de Monja Roindefo) ne se prive pas de critiquer la stratégie de la transition actuelle, notamment sur la conduite des négociations de Maputo et la méthodologie des médiateurs du Groupe International de Contact - accusés de parti-pris en faveurs des "ex-dictateurs" - et n'hésite pas à se présenter déjà comme "le nouveau rassembleur" au-delà des antagonismes des 4 mouvances actuellement sur le devant de la scène politique malgache...

Investissements directs étrangers

Commentant le bilan des 6 mois de gestion de crise du Ministre des Finances de la Transition Benja Razafimahaleo (évincé de la nouvelle équipe de Monja Roindefo, malgré ses résultats); le Representant Résident du FMI à Madagascar note que " les recettes ont permis de couvrir les dépenses de fonctionnement, l'inflation est sous contrôle (bonne récolte, surévaluation de l'Ariary), la politique monétaire a été prudente et les réserves en devises satisfaisantes, mais cette situation ne saurait durer à cause de la crise actuelle ".

Prévoyant sans doute l'échec de Maputo-2, la Haute Autorité de la Transition a récemment commandité les avis d'économistes malgaches pour conforter la position "isolationniste" de la transition actuelle, qu'on peut résumer comme suit: "Puisque les finances intérieures permettent de faire tourner (à vrai dire au ralenti) la machine administrative, pourquoi redouter un blocus international ?" et " Dans le contexte de crise internationale, les bailleurs de fonds auraient plus à perdre à "fermer le robinet de l'aide" que le peuple malgache habitué à se serrer la ceinture, avec ou sans financements extérieurs!". Dans ce contexte, Madagascar ne sera probablement pas invitée au prochain sommet d'Istanbul du FMI, d'après une déclaration de son DG Dominique Strauss-Kahn.

En matière de politique économique, les autorités de transition malgaches restent dans le flou sur les Investissements Directs Etrangers (IDE): on se rappelle à ce propos le projet de location de 1,3 million d'hectares à Daewoo Logistics, reproché à Marc Ravalomanana et thème mobilisateur au début du mouvement de masse en janvier 2009. Installé au pouvoir, le gouvernement de transition a mis de l'eau dans son vin en confirmant la législation foncière autorisant la location de terres aux opérateurs étrangers.
En attendant l'entrée en lice de Total (investisseur à hauteur de 5 milliards de US$ dans les grès bitumineux de Bemolanga dans l'Ouest malgache), deux autres méga-projets miniers sont à déjà pied d'oeuvre, à savoir Sheritt (à la tête d'un consortium d'investissement de 4 milliards de US$ pour l'exploitation de nickel et de cobalt dans l'Est malgache, "un des meilleurs projets au monde" d'après Ian Delaney de Sheritt -à lire sur du 24 Juin 2009: " Sherrit partners reach funding deal for remainder of Ambatovy nickel project ") et QMM (investissement de près d'1 milliard US$ pour l 'exploitation d'ilménite dans le Sud malgache): ces deux projets rencontrent actuellement des résistances de la part des populations locales, délogées ou en voe d'expulsion de leurs terres ancestrales (lopins de terre, village et tombeaux inclus!) pour les besoins d'exploitation minière...

Enfin, la récente ratification par le biais de l'ambassadeur malgache à Port-Louis de l'Accord intérimaire de Partenariat Economique (APE) avec l'Union Européenne - aux côtés de l'Ile Maurice, des Seychelles et du Zimbabwe - confirme que les autorités de transition malgaches n'ont d'autre choix actuellement que de continuer la stratégie néo-libérale tracée par le régime de Marc Ravalomanana, en dépit des exhortations patriotiques des "Forces de Changement" et des altermondialistes de l'assocation Otrikafo ("Flamme") pour une nouvelle politique économique auto-centrée "à la malgache" ("ady gasy") et une refondation
républicaine basée sur la souveraineté nationale.

Pour conclure, l'imbroglio malgache n'est pas prêt de se dénouer, compte tenu des intérêts des grandes puissances régionales (Canada, USA, Europe, Françafrique, Afrique du Sud, Japon, Chine Inde Corée, Thaîlande,...) désireuses de voir accéder un Chef d'Etat "politiquement corect" aux commandes du navire malgache... pour garder le cap néo-libéral actuel !

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