L’inertie de la France en Afrique
Thématique :
afrique
par Elie Patrigeon, Etudiant à l'IRIS, Le Monde, 03.12.08
Il y a eu le discours désastreux de Dakar, puis celui du Cap, destiné à apporter une réponse au premier. Il y a eu l’annonce de la révision des accords contestés de défense et de coopération militaire, de la fermeture programmée de bases au cœur de l’Afrique puis le limogeage du ministre de la coopération, Jean-Marie Bockel. En deux mots, il n’y a pas, ou plus, de politique africaine de la France mais une succession d’évènements face auxquels Paris ne réagit qu’au coup par coup, sans ligne directrice.
La France est, en Afrique, à la croisée des chemins. Des dynamiques divergentes agitent les milieux qui, traditionnellement, font la politique africaine. D’un côté, la pression des sociétés civiles, le bouleversement du contexte géostratégique, les processus de démocratisation des états africains, les mutations de la conflictualité, les évolutions du format des armées… poussent à la fin des relations traditionnelles entre Paris et ses anciennes dépendances coloniales. Parallèlement, des pressions conservatrices s’exercent sur les volontés réformatrices.
Il existe, en France, comme en Afrique, de puissants promoteurs du maintien des relations traditionnelles, en vertu d’intérêts connus : liens politiques, politique de puissance au niveau international, francophonie, enjeux pétroliers et miniers…
Le candidat Sarkozy avait promis une refonte de la politique africaine de la France. Devenu président de la République, comme ses prédécesseurs, ses ardeurs réformistes ont été refroidies. Il y a bien eu des annonces, mais elles sont peu suivies d’effets. La révision annoncée des accords de défense (au nombre de huit), n’a débuté qu’avec le Sénégal, et les négociations piétinent. La fermeture prévue de bases en Afrique, selon les conclusions du Livre blanc sur le Défense nationale, n’est pas sérieusement envisagée à court terme. Les réticences du Gabon et du Tchad, où les forces françaises représentent un intérêt économique et politique évidents, auront probablement raison du désengagement militaire français. Dans le même temps, les budgets de la coopération culturelle stagnent et la France perd sa primauté commerciale absolue en Afrique francophone.
Cette situation d’inertie n’interroge plus beaucoup en Afrique. Les Etats se tournent progressivement vers des partenaires plus cohérents dans leur démarche, quelque elle soit d’ailleurs. Ces puissances (Chine, Etats-Unis, Inde, Arabie Saoudite…) pratiquent une politique d’intérêts, comme la France, mais sont dépourvues de passif colonial. La Chine devient le second partenaire commercial de nombres d’Etats, les Etats-Unis cherchent à installer son commandement militaire africain (Africom) sur le continent, l’Arabie Saoudite financent des mosquées mais surtout des programmes de développement via des ONG islamiques… Dans tous les Etats où de nouveaux partenaires émergent, la place de la France régresse.
Cette situation ne satisfait personne. La France est soumise à un dilemme complexe : quand elle intervient, elle est accusée de néocolonialisme, de part et d’autre de la Méditerranée. Lorsqu’elle se tient éloignée des théâtres africains, son désengagement est fortement critiqué (comme à Madagascar).
L’indécision qui frappe la politique africaine de la France affaiblit considérablement ses marges de manœuvre sur le continent. Elle doit chercher une nouvelle légitimité pour intervenir et redéfinir ses objectifs. Seule une implication forte de l’Union européenne permettra aux anciennes métropoles coloniales, accompagnées de nouveaux acteurs, d’assumer d’évidentes responsabilités dans le développement et la sécurité de l’Afrique. Pour cela, il faudra sortir de traditions héritées de la décolonisation et établir une politique de partenariat avec les Etats africains quant à des enjeux spécifiques : développement durable, prévention des conflits, installation de l’Etat de droit, infrastructures…
La présidence française de l’Union Européenne aurait pu être une occasion majeure pour intégrer nos partenaires sur cette question. Bernard Kouchner a essayé, concernant le conflit en RDC, de parvenir à une intervention européenne. Mais comme à chaque fois qu’il s’agit de l’Afrique, la France a proposé une solution multilatérale où la préservation de ses intérêts figurait au cœur du projet. Les réticences allemandes ou des pays du nord et de l’est de l’Europe, qui craignent l’enlisement et l’instrumentalisation par la France d’une intervention européenne ont souvent raison des tentatives de mutualisation des interventions en Afrique. En cela, la présidence française de l’UE n’est pas une réussite.
Il y a eu le discours désastreux de Dakar, puis celui du Cap, destiné à apporter une réponse au premier. Il y a eu l’annonce de la révision des accords contestés de défense et de coopération militaire, de la fermeture programmée de bases au cœur de l’Afrique puis le limogeage du ministre de la coopération, Jean-Marie Bockel. En deux mots, il n’y a pas, ou plus, de politique africaine de la France mais une succession d’évènements face auxquels Paris ne réagit qu’au coup par coup, sans ligne directrice.
La France est, en Afrique, à la croisée des chemins. Des dynamiques divergentes agitent les milieux qui, traditionnellement, font la politique africaine. D’un côté, la pression des sociétés civiles, le bouleversement du contexte géostratégique, les processus de démocratisation des états africains, les mutations de la conflictualité, les évolutions du format des armées… poussent à la fin des relations traditionnelles entre Paris et ses anciennes dépendances coloniales. Parallèlement, des pressions conservatrices s’exercent sur les volontés réformatrices.
Il existe, en France, comme en Afrique, de puissants promoteurs du maintien des relations traditionnelles, en vertu d’intérêts connus : liens politiques, politique de puissance au niveau international, francophonie, enjeux pétroliers et miniers…
Le candidat Sarkozy avait promis une refonte de la politique africaine de la France. Devenu président de la République, comme ses prédécesseurs, ses ardeurs réformistes ont été refroidies. Il y a bien eu des annonces, mais elles sont peu suivies d’effets. La révision annoncée des accords de défense (au nombre de huit), n’a débuté qu’avec le Sénégal, et les négociations piétinent. La fermeture prévue de bases en Afrique, selon les conclusions du Livre blanc sur le Défense nationale, n’est pas sérieusement envisagée à court terme. Les réticences du Gabon et du Tchad, où les forces françaises représentent un intérêt économique et politique évidents, auront probablement raison du désengagement militaire français. Dans le même temps, les budgets de la coopération culturelle stagnent et la France perd sa primauté commerciale absolue en Afrique francophone.
Cette situation d’inertie n’interroge plus beaucoup en Afrique. Les Etats se tournent progressivement vers des partenaires plus cohérents dans leur démarche, quelque elle soit d’ailleurs. Ces puissances (Chine, Etats-Unis, Inde, Arabie Saoudite…) pratiquent une politique d’intérêts, comme la France, mais sont dépourvues de passif colonial. La Chine devient le second partenaire commercial de nombres d’Etats, les Etats-Unis cherchent à installer son commandement militaire africain (Africom) sur le continent, l’Arabie Saoudite financent des mosquées mais surtout des programmes de développement via des ONG islamiques… Dans tous les Etats où de nouveaux partenaires émergent, la place de la France régresse.
Cette situation ne satisfait personne. La France est soumise à un dilemme complexe : quand elle intervient, elle est accusée de néocolonialisme, de part et d’autre de la Méditerranée. Lorsqu’elle se tient éloignée des théâtres africains, son désengagement est fortement critiqué (comme à Madagascar).
L’indécision qui frappe la politique africaine de la France affaiblit considérablement ses marges de manœuvre sur le continent. Elle doit chercher une nouvelle légitimité pour intervenir et redéfinir ses objectifs. Seule une implication forte de l’Union européenne permettra aux anciennes métropoles coloniales, accompagnées de nouveaux acteurs, d’assumer d’évidentes responsabilités dans le développement et la sécurité de l’Afrique. Pour cela, il faudra sortir de traditions héritées de la décolonisation et établir une politique de partenariat avec les Etats africains quant à des enjeux spécifiques : développement durable, prévention des conflits, installation de l’Etat de droit, infrastructures…
La présidence française de l’Union Européenne aurait pu être une occasion majeure pour intégrer nos partenaires sur cette question. Bernard Kouchner a essayé, concernant le conflit en RDC, de parvenir à une intervention européenne. Mais comme à chaque fois qu’il s’agit de l’Afrique, la France a proposé une solution multilatérale où la préservation de ses intérêts figurait au cœur du projet. Les réticences allemandes ou des pays du nord et de l’est de l’Europe, qui craignent l’enlisement et l’instrumentalisation par la France d’une intervention européenne ont souvent raison des tentatives de mutualisation des interventions en Afrique. En cela, la présidence française de l’UE n’est pas une réussite.