«L’Afrique peut jouer un rôle déterminant dans toute l’industrie de demain»
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afrique
08-10-2009 | Les Afriques
L’Afrique détient au moins dix matières premières hautement stratégiques pour le développement des industries de demain. Des matières premières dont ses gouvernants ignorent l’essentiel, mais dont ses concurrents savent tout.
Notre bureau exploite une banque de données d’intelligence économique dotée d’un logiciel qui se connecte en back-office à des bases de données thématiques. Cette banque de données contient des informations structurées sur les 53 Etats d’Afrique. Elle inventorie douze familles de gisements, soit 10 000 types de matières premières et de produits dérivés.
Quand la carte africaine des gisements des matières premières hautement stratégiques est superposée avec la carte politique de ce continent, apparaît une parfaite concordance entre la localisation des conflits les plus meurtriers et ces gisements.
Ces produits sont géolocalisés, avec la précision du GPS, dans 10 millions de gisements offshore et onshore répartis sur 1000 provinces, 2000 départements, 6000 communes et plus de 40 000 villages africains. Sur ces 10 millions de gisements de matières premières, 100 000 sont titrés, ce qui signifie que seulement 1% des gisements prouvés par la télédétection satellitale sont développés à ce jour. 99% des gisements prouvés par la télédétection restent encore à développer. Chiffres auxquels il faut ajouter des millions de gisements offshore et onshore probables et possibles, qui ne sont pas encore explorés, ni prospectés, ni développés sur le continent à ce jour !
Dix matières premières hautement stratégiques
Dans notre banque de données, nous identifions dix matières premières qui joueront un rôle stratégique dans les vingt prochaines années et qui feront de l’Afrique un fournisseur incontournable ! Il s’agit des métaux de terres rares suivants : le niobium, communément appelé columbium, le tantale, le tungstène, le titane, l’uranium, le thorium, le cérium, l’yttrium, le lithium et le lanthane.
Pourquoi ces dix matières premières sont-elles hautement stratégiques ? Parce qu’elles jouent un rôle déterminant dans toute l’industrie de demain : l’armement, l’environnement, la nanotechnologie, l’aéronautique, les technologies de l’information et de la communication, la biologie, la médecine, la chimie judiciaire, la biométrie, la chimie agricole, pharmaceutique et alimentaire…
Juste un petit exemple, l’industrie des voitures électriques ne se développera pas si les gisements de lithium africain ne l’approvisionnent pas. Ceci est aussi valable pour la production de l’électricité dans les centrales nucléaires en Europe, qui dépendent à plus de 60% des gisements africains d’uranium. Pendant ce temps, des millions d’Africains vivent dans l’obscurité sans que cela ne choque personne.
Le concept des « produits stratégiques » fut utilisé pour la première fois par le Pentagone, aux Etats-Unis, suite aux pénuries enregistrées dans la chaîne d’approvisionnement de l’armée américaine durant la Première Guerre mondiale (1914-1918). Depuis lors, le Pentagone, la NASA et le bureau de l’United State of Geology, qui dépend du Ministère de l’intérieur des USA, gèrent une nomenclature des produits désignés comme « hautement stratégiques » pour la défense des Etats-Unis d’Amérique.
Etant donné que les pays d’Afrique sont dépourvus des laboratoires spécialisés dans différentes branches des sciences de la nature, ces matières premières ne présentent aucun intérêt particulier pour nos gouvernants. Et tout concoure à ce que cette ignorance perdure. Les partenaires occidentaux de l’Afrique participent à la pérennisation du sous-développement des économies africaines, en sous-valorisant la valeur marchande de ces matières premières hautement stratégiques et en supportant une classe politique plus soucieuse de son propre avenir que de celui des siens.
Une stratégie discriminatoire
Ce n’est pas pour rien si les acteurs qui opèrent dans la chaîne des valeurs des matières premières d’Afrique achètent depuis des années des produits hautement valorisables à vil prix, sans que cela ne choque personne. Une simple analyse d’intelligence économique décode facilement la stratégie discriminatoire qui lèse les intérêts africains :
Les Accords de partenariat économique (APE), en négociation entre les pays africains et l’Union européenne, contiennent des germes de conflits d’intérêts qui hypothèquent sérieusement l’avenir économique de l’Afrique, de part l’asymétrie d’informations entre les deux parties. Comment nos gouvernants peuvent-ils négocier des intérêts africains dont ils ignorent l’essentiel, mais que leurs concurrents connaissent, eux, parfaitement ?
Un autre volet des scénarios qui hypothèquent l’avenir économique de ce continent se joue à Washington, au sein des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI). L’organisation américaine Government Accountability Project (www.whistleblower.org) dénonce un think tank proche des néoconservateurs les plus extrémistes, très introduit dans les institutions de Bretton Woods, qui légitime une stratégie permettant, depuis de nombreuses années, de dévaloriser les matières premières et les produits dérivés de notre continent sur les marchés internationaux, en considérant les 53 Etats d’Afrique comme des Pays pauvres très endettés (PPTE). Notre tracker d’intelligence d’économique à tracé le discours de ce think tank dont l’analyse sémantique rapproche son idéologie des écrits afrikaners de l’extrême droite raciste sud africaine.
Comment est-ce que des Etats qui regorgent de plus de 10 millions de gisements de matières premières hautement stratégiques peuvent-ils être considérés par des fonctionnaires zélés comme des pays pauvres ? Que vient faire une sémantique raciste dans la périphérie immédiate d’organisations comme la Banque Mondiale et le FMI ?
Si l’Afrique veut que ses entreprises profitent sereinement de ses matières premières stratégiques dans les vingt prochaines années, elle va devoir faire face, aussi unie que possible, à cette réalité tenace, servie par des intérêts cyniques et puissants.
Proposer des scénarios plausibles
Une simulation de l’avenir du commerce des matières premières stratégiques de l’Afrique que nous avons faite nous permet de proposer des scénarios plausibles, qui pourront être utiles aux décideurs africains qui élaboreront les politiques de demain. Ces scénarios esquissés donnent beaucoup à réfléchir, parce qu’ils cherchent à identifier les logiques profondes qui gouvernent les choix politiques et économiques des partenaires extérieurs actuels des 53 Etats d’Afrique. Nous constatons que ceux-ci appréhendent l’Afrique comme un enjeu de la compétition et non comme un espace où vivent des êtres humains qui ont plein droit à une vie décente et un avenir harmonieux sur leur propre sol. En témoigne le cynisme qui entoure les crimes commis dans l’est de la RDC, où se joue l’approvisionnement de l’industrie de l’informatique et de la téléphonie en terres rares, tungstène, niobium, tantale, titane, uranium…
Selon cette simulation, que notre bureau d’ingénieur-conseil Africommodities à réalisée en laboratoire, quand la carte africaine des gisements des matières premières hautement stratégiques est superposée avec la carte politique de ce continent, apparaît une parfaite concordance entre la localisation de conflits les plus meurtriers et ces gisements : c’est le cas de l’est de la République Démocratique du Congo, du Darfour, du Tchad, du Sud Soudan, du Sahara, de la Somalie, du golfe de Guinée, du golfe d’Aden, etc.
Il faut se battre
L’avenir de l’Afrique ne doit pas non plus être considéré comme déjà écrit à l’avance. Les scénarios que nous avons modélisés en laboratoire, en combinant des calculs mathématiques à la stratégie, nous suggèrent que les leaders africains doivent prendre conscience des pièges qui se dessinent sur leur route. Toutefois, il n’y a pas de forces surnaturelles qui condamnent ce continent à l’échec. Ce qui adviendra de l’Afrique au cours des vingt prochaines années dépend de ce que les Africains du continent et de la diaspora font ou ne font pas maintenant, feront ou ne feront pas demain. Quoi qu’il en soit, l’information aujourd’hui est à la portée de tous. Les stratèges africains ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas avertis pour se préparer à affronter le futur.