dimanche 21 juin 2009

L’intégration régionale en Afrique australe fait un autre pas

(IPS 18/06/2009) - Stanley Kwenda s’entretient avec SINDISO NGWENGA, secrétaire général du COMESA.

HARARE,(IPS) - Le Zimbabwe vient d’abriter le 13ème sommet du Marché commun d’Afrique orientale et australe (COMESA) où une union douanière entre certains pays de la région a été lancée. Mais améliorera-t-elle le commerce régional et aidera-t-elle le passage à travers les frontières pour les nombreuses femmes commerçantes des pays membres?

Stanley Kwenda a posé des questions à Sindiso Ngwenga, secrétaire général du COMESA, par rapport à la valeur ajoutée, les lignes de crédit régionales et la façon dont cette union douanière aidera les femmes commerçantes transfrontalières.

IPS: Le thème du sommet était "Renforcer l’intégration régionale à travers la valeur ajoutée, le commerce et la sécurité alimentaire". Que signifie cela?

Sindiso Ngwenga: Au cours des 25 dernières années, le COMESA (et son incarnation précédente) en tant que Zone commerciale préférentielle pour les Etats d’Afrique orientale et australe, a fait d’importants progrès en intégrant les économies des régions de l’Afrique orientale et australe, culminant avec le lancement de la Zone de libre-échange du COMESA en 2000. Par la suite, le commerce au sein du COMESA est apparu.

Nous avons vu la diversification du commerce et des investissements transfrontaliers. Par exemple, le Kenya est devenu un grand investisseur en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda. Nous avons vu également des entreprises zimbabwéennes investir dans la région malgré la crise économique à laquelle il est confronté.

Des entreprises, telles que 'Dairiboard Zimbabwe Limited ', ont acquis une usine de fabrication d’agenda en Ouganda, puis le secteur de l’assurance et de banque du Zimbabwe est entré dans la région. C’est à partir de ce mouvement que nous voulons consolider le commerce entre les pays du COMESA.

IPS: Que signifie le lancement d’une union douanière pour les pays membres?

SN: L’union douanière aplanira le terrain de jeu entre les pays du COMESA. Quand il s’agit des droits de douane, des taxes et autres impôts connexes imposés aux produits venant de l’extérieur du COMESA, il y aura un traitement égal. Par exemple, si un tarif extérieur commun implique des matières premières venant de l’extérieur de la région, elles entraîneront zéro pour cent de droit de douane.

Il en est de même pour les biens d’équipement, alors que les produits intermédiaires impliqueront 10 pour cent de droit de douane et que les produits finis ou manufacturés nécessiteront 25 pour cent de droit de douane.

IPS: Quels sont les avantages qu’elle apportera?

SN: Le tarif extérieur commun signifie que les pays du COMESA auront une politique commerciale commune vis-à-vis des pays tiers. Les investisseurs sauront d’avance le type de droits qu’ils paieront. Ils sauront que s’ils amènent des biens d’équipement dans la région, ils ne seront pas taxés.

Cela aplanira le terrain de jeu parce que les pays imposent différents pourcentages, conduisant d’autres à se plaindre que le terrain n’est pas nivelé et qu’ils ne peuvent pas concurrencer. Elle amènera également la transparence et la prévisibilité des prix pour les investisseurs parce que quand vous avez une politique commerciale commune, il n’est plus question que chaque pays décide des types de taxes à imposer sur les biens venant de l’extérieur.

IPS: Qui bénéficiera le plus?

SN: Cette union douanière est pour les gens tels que les producteurs agricoles, les fabricants et ceux du secteur des services. Mais ces secteurs ne peuvent concurrencer mondialement que s’il existe une valeur ajoutée considérable aux produits africains.

La part du COMESA dans le commerce mondial a besoin d’être augmentée et ce sera la deuxième étape après le lancement de l’union.

IPS: Avez-vous une stratégie de valeur ajoutée?

SN: Nous avons la vision de 'Acheter l’Afrique, construire l’Afrique (BABA)'. Elle dit que si nous ajoutons de la valeur à nos produits de base, nous règlerons la question de la création de la richesse. Cela signifie que nous avons besoin de commencer par transformer, marquer et commercialiser nos produits. Nous devrions cesser d’exporter les matières premières que nous importons à un prix plus élevé que les (matières premières).

Le rêve est d’avoir des agriculteurs qui bénéficient directement de la sueur de leur labeur.

IPS: Quel est votre message aux leaders politiques à cet égard?

SN: Ayons plus de petites et moyennes entreprises (PME) dans nos pays et rassemblons-les dans des réseaux à travers des contrats pour produire ou sous-traitons-les pour faire des travaux au nom des acteurs de marché internationaux les plus grands. C’est la seule voie par laquelle ils peuvent se développer et être un jour mondialement compétitifs.

IPS: Quel type de mesures êtes-vous en train de prendre pour atténuer le fardeau du commerce dans le secteur des services étant donné que les pays africains doivent continuer de confirmer des crédits via l’Europe et l’Amérique?

SN: Nous avons la chambre de compensation du COMESA qui sera abritée par le Zimbabwe. Elle est fondamentalement un système régional des paiements qui permettra aux pays africains de faire du commerce sans passer par Londres et New York pour confirmer des lettres de crédit. Elle sauvera des millions de dollars pour l’Afrique et accélérera les paiements aux exportateurs.

IPS: Comment les commerçants transfrontaliers vont-ils profiter de cette union douanière?

SN: Ils ont été déjà pris en compte dans le cadre de la Zone de libre-échange (FTA) du COMESA. Ils font du commerce hors taxe et hors quota. Nous avons l’Association transfrontalière du COMESA et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Mais l’objectif ultime est de se débarrasser des règles d’origine, ce qui signifie que nous aurons une libre circulation des biens et services une fois que l’union sera totalement opérationnelle.

IPS: Les commerçants transfrontaliers se plaignent que la zone FTA dont vous parlez n’a pas apporté la libre circulation des personnes.

SN: Il y a des pays qui ont signé le protocole du COMESA sur la libre circulation des personnes. Mais d’autres pays estiment que s’ils font ainsi, ils auront un déluge de gens. Dans les pays où il y a la libre circulation des personnes, nous n’avons pas vu cela. Ce que nous avons, c’est une peur de l’inconnu.

Ce que nous envisageons, c’est une intégration entre les peuples parce que c’est seulement à travers ces efforts individuels et collectifs que l’Afrique peut devenir ce que sont l’Inde et la Chine – les locomotives de l’économie mondiale.

IPS: Les femmes constituent le plus grand nombre des commerçants transfrontaliers. Comment bénéficieront-elles sous cet arrangement?

SN: Conformément aux articles 154 et 155 du Traité du COMESA, l’association a adopté la Politique de genre du COMESA et la Déclaration de 2002 d’Addis-Abeba. La Politique de genre du COMESA plaide pour une participation équitable et totale des femmes à tous les aspects des activités du COMESA et d’autres opérations se produisant dans la région.

La discrimination positive sera appliquée pour s’assurer que les obstacles, qui empêchent la participation des femmes aux activités fondamentales du COMESA, telles que le commerce, le secteur privé, le développement de l’infrastructure, la science et la technologie, seront corrigés et levés.

La politique du COMESA facilitera également la "mise en conformité avec le genre" de la législation dans les Etats membres afin de promouvoir l’accès et le contrôle des femmes sur des ressources productrices telles que la terre, la technologie et le crédit.

IPS: Cette union douanière changera-t-elle la manière dont les pays africains sont en train de négocier les accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne?

SN: J’espère que le lancement de notre union douanière verra nos pays négocier comme un seul bloc. Nous travaillons déjà ensemble sur les APE en tant que SADC et COMESA.