Mobilisation générale pour préserver l’intérêt de La Réunion dans l’accord définitif
Manuel Marchal, TEMOIGNAGES du vendredi 30 novembre 2007
C’est hier que devait être signé l’accord intermédiaire permettant à l’Union européenne et aux pays ACP de se donner un délai d’un an avant de signer les Accords de Partenariat Economique (APE). Cette solution permet de combler un vide juridique, elle signifie le maintien du volet commercial de la Convention de Cotonou. Elle contient pour La Réunion un aspect important : la prise en compte de l’intérêt général de notre île.
C’est le résultat d’une mobilisation impulsée par la Région, marquée par plusieurs étapes importantes. Il y a notamment la session extraordinaire du Conseil des ministres de la Commission de l’Océan Indien le 10 octobre dernier qui a débouché sur une déclaration prenant en considération le besoin de mesures spécifiques pour La Réunion. Puis ensuite, la rencontre organisée à Maurice le 29 octobre, la réunion des ministres ACP avec la Commission européenne à Bruxelles les 8 et 9 novembre.
L’octroi de mer préservé
La proposition d’un texte par la Commission européenne, incluant la spécificité de La Réunion et enfin le Conseil de l’Union européenne des 19 et 20 novembre qui note dans ses conclusions qu’il « admet les intérêts spécifiques des Régions ultrapériphériques » et qu’« il assure que ces intérêts seront pris en compte au stade final des négociations APE ».
A moins d’un changement de dernière minute, « l’essentiel de nos demandes transmises à la Commission européenne, au gouvernement et à la COI semble donc acquis », précise Paul Vergès.
Première conséquence : l’octroi de mer ne sera pas remis en cause dans le texte de l’accord intermédiaire. Reste que ce dispositif fiscal qui constitue une source importante du financement des collectivités locales sera quoi qu’il arrive, rediscuté dans huit ans. Cette échéance mériterait que les communes engagent une action commune auprès de la Commission et de l’Etat.
Deuxième conséquence : le droit à une clause de sauvegarde. Le président de la Région rappelle qu’au début des discussions des APE, les pays ACP ne voulaient pas de ce dispositif qui permet des mesures d’exception visant à préserver un ou plusieurs secteurs économiques stratégiques menacés par des importations massives en provenance des pays ACP.
La clause de sauvegarde a ensuite été limitée à un nombre restreint de secteurs, incluant le riz, le sucre et la banane. Ce qui ne laissait ensuite guère de marge de manoeuvre.
Une année décisive
Le texte de l’accord intermédiaire fait état du maintien du caractère général de la clause de sauvegarde, en plus des mesures particulières concernant le riz, le sucre et la banane.
Troisième conséquence : l’accord intermédiaire reporte d’un an le délai pour la signature des Accords de Partenariats Economiques. Autrement dit, l’année 2008 sera consacrée à surmonter les obstacles qui ont empêché la signature des APE. Pour Paul Vergès, toutes les prises de positions, même les plus récentes, sont les bienvenues. Il faudra appliquer ce qui est écrit dans les différentes motions relatives aux APE adoptées par différentes institutions.
Conclusion : « nous avons un an devant nous. A partir d’aujourd’hui, c’est une mobilisation générale qui doit avoir lieu à La Réunion pour que l’accord définitif sauvegarde nos intérêts », souligne Paul Vergès.
Le bouleversement des APE
Le Président de la Région a insisté sur une signification des APE. « C’est une nouvelle période d’ouverture et d’intégration à l’inverse de ce que connaît La Réunion depuis des siècles ». Jusqu’alors, depuis l’époque coloniale, l’économie de La Réunion est tournée vers la France, où elle bénéficie d’un système de quota et de prix garantis sur le sucre par exemple.
Les APE veulent dire l’ouverture de notre économie, « une nouvelle ère qui commence ». C’est un changement qualitatif de l’économie réunionnaise dans le cadre de la mondialisation des échanges, conclut le Président de la Région.
Une grave sous-estimation
C’est l’exemple d’une sous-estimation catastrophique d’un dossier essentiel pour La Réunion, a dit en substance Paul Vergès qui rappelle que le risque était que les négociations se fassent en dehors de nous.
Les négociations sont menées par la Commission européenne, pas par les Etats. La Commission est en effet investie d’un mandat de négociation dans les accords commerciaux internationaux.
Pour La Réunion, la question est de savoir comment agir auprès de l’Etat français pour qu’il intervienne sur le cours des événements, alors qu’il n’a pas une prise directe dessus.
« Nous avons pris le temps et le recul pour agir », note Paul Vergès qui rappelle que des séminaires publics organisés à la Région ont déjà regroupé des responsables de l’Union européenne et des pays ACP sur le dossier des Accords de Partenariat Economique. Cela fait plus de trois ans de démarche et de débats publics sur les APE. Mais force est de constater que l’importance n’a pas été perçue à l’époque par les secteurs concernés, poursuit en substance Paul Vergès qui conclut en regrettant une prise de position tardive des acteurs concernés, mais une prise de position qui a eu lieu, ce dont on peut se féliciter.