Interview de Djama Mahamoud Haid, Gouverneur de la Banque Centrale de Djibouti
Je voudrais remercier en premier lieu le Président de la République, M. Ismaïl Omar Guelleh, pour sa présence à la cérémonie d'inauguration officielle du nouveau siège de la CAC International Bank Djibouti. Votre présence parmi nous aujourd'hui et votre soutien indéfectible au développement et à la modernisation du secteur bancaire, témoignent de la volonté manifeste de votre gouvernement de faire de la République de Djibouti une place financière à vocation régionale. Je salue aussi la présence de l'ensemble des personnalités et des acteurs du développement économique du pays. Nous célébrons aujourd'hui avec faste l'installation de la Coopérative and Agricultural Crédit International Bank, qui porte désormais à sept le nombre d'établissements de crédit opérant dans notre pays.
Certains de mes concitoyens et autres opérateurs économiques m'interpellent régulièrement sur le nombre élevé de banques actuellement en activité sur la place financière de Djibouti. Qu'ils soient rassurés, un pan entier de la population djiboutienne ne bénéficie pas encore des bienfaits de l'intermédiation financière accrue et le taux de pénétration des services bancaires demeure relativement faible de façon générale et plus particulièrement dans les régions de l'intérieur.
Toutes les banques, anciennes comme nouvelles, réalisent au cours de ces dernières années des performances significatives. Les banques établies depuis longtemps (BIS et BCI) continuent à jouir d'une situation satisfaisante : le total de leurs dépôts et de leurs crédits a, respectivement, progressé de 10,2% et de 20, 2% fin septembre 2009 par rapport à la fin de l'année 2008. Pour leur part, les nouvelles banques captent déjà jusqu'à 10%de part de marché après seulement 2 ou 3 ans d'activités. Ces dernières ont collecté environ 13 milliards FDJ de dépôts et ont consenti des facilités à hauteur de 4 milliards FDJ. Les dépôts dans les nouvelles banques ont crû de 25,4% sur les neuf derniers mois alors que leurs crédits ont augmenté de manière substantielle sur la même période (+220,8%). A titre d'exemple, les dépôts de la Salaam African Bank ont dépassé le cap de 1,7 milliards FDJ après seulement 10 mois d'activité.
L'arrivée de cette banque filiale de la CAC Bank de Sanaa va contribuer à transformer davantage le paysage bancaire en le rendant plus compétitif et en y introduisant une plus grande diversité de produits et services financiers. Cette concurrence accrue et l'introduction de nouveaux services bancaires sont des gages pour une plus grande satisfaction de la clientèle djiboutienne.
Etablie depuis 1982 au Yémen, la CAC Bank a enregistré ces dernières années des performances remarquables tant en termes de croissance des dépôts de la clientèle que de total de bilan (+43,4% en un an). Signe tangible de sa croissance, la CAC Bank a consolidé de plus de 41% ses fonds propres sur la période 2007-2008. La CAC Bank dont les activités sont principalement axées dans le secteur primaire, le commerce de détail et le financement des PME, est appelée à jouer un rôle de premier plan pour soutenir le développement attendu dans certains secteurs prioritaires de notre économie, en particulier l'agriculture et la pêche. Dans un contexte international morose marqué par la crise financière et les incertitudes, l'installation d'un nouvel opérateur dans le secteur bancaire confirme, si besoin est, la bonne tenue de notre économie et des perspectives macroéconomiques à moyen terme encourageantes. Les performances économiques et financières de Djibouti se sont considérablement améliorées en 2008 et 2009, malgré les pressions inflationnistes au niveau mondial. La croissance réelle du PIB s'est accélérée de 5,1% en 2007 à 5,9% en 2008 et s'établira selon les prévisions à plus de 5% en 2009, portée principalement par les investissements directs étrangers. La part de l'investissement dans le PIB est en effet passée de 23% en 2005 à près de 47% en 2008. La politique budgétaire est demeurée expansionniste en raison de l'investissement public plus élevé dans les domaines sociaux prioritaires (éducation, santé, eau) et dans les infrastructures. Le solde budgétaire sur base ordonnancements a enregistré en 2008 un excédent équivalent à 1,3% du PIB. Le secteur bancaire a connu des développements notables avec une progression annuelle de la monnaie au sens large de 9,6% en 2007 et de près de 20% en 2008. Le crédit au secteur privé a augmenté de 23% en 2007 et de plus de 27% en 2008 en raison principalement du boom de la consommation des ménages, de l'embellie du secteur de la construction et de l'investissement public.
Les perspectives de croissance à moyen terme de l'économie djiboutienne demeurent fortes, tirées par d'importants projets d'investissement et le rôle moteur des banques dans le financement de l'économie. Dans le cadre du nouveau programme FRPC conclu en octobre 2008 avec le FMI, le scénario de référence table sur une croissance réelle du PIB d'environ 6,3% par an sur la période 2010-2014. Le niveau de l'inflation devrait être maintenu autour de 4% et le déficit budgétaire maîtrise à -0,5% du PIB sur la même période. Le secteur bancaire devrait consolider son rôle dans le financement de l'investissement privé. Les crédits à l'économie devraient évoluer de plus de 20% par an au cours des cinq prochaines années. Pour préserver la stabilité du cadre macroéconomique, notre pays a continué à mettre en œuvre des réformes structurelles nécessaires tout en veillant à les adapter aux évolutions de la conjoncture et des perspectives de développement socio-économiques.
Les récentes mesures initiées par le gouvernement s 'articulent essentiellement autour de l'amélioration de la compétitivité extérieure du pays et du climat des affaires ; la révision du code de investissements et l'élaboration du nouveau code de commerce en sont les exemples les plus manifestes. Les autres réformes concernent l'introduction de la TVA et la diversification croissante de notre économie.
S'agissant des réformes touchant le secteur financier, un programme d'évaluation du secteur financier a été mené, fin 2008, à notre demande, par des experts du FMI et de la banque mondiale. Dans l'ensemble, les tests de résistance menés au titre de ce programme ont montré que le secteur financier djiboutien est robuste et n'est pas exposé à une menace systématique immédiate. Ces derniers mois, l'accent a été particulièrement mis sur la bancarisation de la population et l'accès aux services financiers relativement faible à Djibouti. L'adoption de la note circulaire n°27 édictée par le Président de la République le 14 février 2009 et de l'instruction de la banque centrale de Djibouti, a institué le " droit au compte " pour toute personne physique ou morale, établie en République de Djibouti, dépourvue d'un compte bancaire et justifiant d'un revenu régulier d'un montant supérieur ou égal à 40 000 FDJ. Je tiens à remercier solennellement le président de la République d'avoir promulgué la note circulaire en vue de favoriser la bancarisation des Djiboutiens car elle constitue un élément essentiel de la réconciliation entre les Djiboutiens à faibles revenus et les banques de la place.
Cette mesure tendant à relever le taux de bancarisation a d'abord concerné tous les agents de l'Etat pour ensuite être étendue aux salariés des établissements publics et à ceux du secteur privé. Sous l'impulsion de cette mesure, le nombre total de clients du secteur bancaire a progressé de 40.541 fin décembre 2008 à près de 53.332 clients fin septembre 2009, soit une augmentation de plus de 12.700 clients en l'espace de 9 mois.
Parallèlement à cette politique de bancarisation, et conformément à l'initiative nationale pour le développement social, les autorités nationales ont mis l'accent sur le développement de la micro finance, outil majeur de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Deux organismes de type coopératif et mutualiste (CPEC et CNEC) ont été récemment créés et regroupent actuellement près de 6.400 adhérents. Ces deux entités ont pu collecter à ce jour plus de 132 millions FDJ de dépôts tandis que les crédits distribués avoisinent les 250 millions FDJ en octobre 2009.
Afin de compléter la palette des produits et services financiers proposés à la clientèle et encadrer les nouvelles banques, la banque centrale élabore actuellement un cadre réglementaire spécifique au développement de la finance islamique. Acteur peu connu de la finance mondiale, il y a encore quelques années, la finance islamique connaît aujourd'hui un essor rapide et constitue une alternative aux activités conventionnelles pour mieux répondre aux attentes d'une partie de la clientèle qui ne dispose pas encore d'offre adaptée à ses convictions religieuses.
Je ne saurais clore mon propos sans réitérer mes remerciements et adresser toutes mes félicitations aux membres du Conseil d'administration et au personnel de la CAC International Bank Djibouti. Je souhaite plein succès aux dirigeants et aux employés de cette nouvelle institution bancaire.
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