lundi 3 novembre 2008

Zimbabwe – A Failed State

Rajiv ROY - Mauritius Times

Ce qui se passe au Zimbabwe ne peut pas nous laisser indifférents car nous sommes un membre à part entière de l'Union africaine. La démocratie semble être hélas ! un vain mot pour les dirigeants de ce pays. La population n'a pas voix au chapitre depuis de longues années alors que l'opposition est muselée et ses membres soumis à des brimades systématiques. Les gens vivent dans une misère abjecte contrairement à ceux au pouvoir.

D'un pays prospère avec des minerais dans ses sous-sols, le Zimbabwe est devenu aujourd'hui l'ombre de lui-même. Le dynamisme de jadis s'est étiolé alors que l'inflation bat tous les records avec peu ou pas de perspective d'avenir. L'immobilisme des dirigeants a conduit ce pays vers la faillite et il est de plus en plus isolé. C'est pourquoi les élections récentes avaient apporté une lueur d'espoir. La communauté internationale pensait qu'il y aurait un revirement de la situation mais elle a vite déchanté car l'appareil d'Etat a repris les choses en main pour faire perdurer les exactions du régime en place. Quel gâchis ! Dans ces circonstances, les droits de l'homme sont mis à rude épreuve ou bafoués sans hésitation. Le retrait de Morgan Tsvangirai des elections fait suite aux supplices subis par ses partisans et son geste est perçu par les observateurs étrangers comme le seul moyen de mettre fin à la frénésie de tuerie du régime en place. Parmi les actes ignobles qui ont marqué les esprits, il y a l'immolation du gamin de six ans d'un politicien de l'opposition ou le meurtre sauvage de la femme du nouveau maire de l'opposition de la capitale.

Mugabe qui s'accroche au pouvoir tient l'Ouest pour responsable de toutes les misères de son pays. En vérité, il veut occulter le fait que les mesures prises par lui n'ont pas donné les résultats escomptés, à commencer par l'expropriation des agriculteurs, surtout d'origine européenne, de leur terre. Même si une meilleure répartition des terres était souhaitable en raison de la ségrégation raciale qu'a connue le pays, cette politique a très vite tourné court car axée sur un racisme à rebours. Malheureusement certains commettent les mêmes erreurs du passé à l'instar de l'Ouganda de Idi Amin Dada qui avait dépossédé les Indo-pakistanais avec les conséquences que l'on connaît.

Au niveau international, la pression ne cesse de croître. Beaucoup de pays sont montés au créneau pour condamner l'attitude de Mugabe. Ainsi, après les USA, l'Union européenne a désavoué les élections au Zimbabwe. Mais la clé de voûte demeure l'attitude de l'Union africaine. La décision du Président de l'Afrique du sud, qui est actuellement un des 15 membres du Conseil de Sécurité de l'ONU de bloquer toute discussion sur le Zimbabwe, a provoqué l'ire et la déception de beaucoup de ses membres. Même s'il fut obligé, par la suite, de signer une déclaration avec tous les membres déplorant la violence exercée par le gouvernement zimbabwéen. Mais la position de Mbeki continue d'être intenable. Jacob Zuma, le probable prochain président de l'Afrique du sud est exaspéré par cette attitude alors que l'emblématique Nelson Mandela condamne le « tragic failure of leadership in our neighbouring Zimbabwe ». Cet épisode a démontré pour l’énième fois que l'ONU est devenue malheureusement une structure vétuste avec le système de veto. Et son impuissance est de plus en plus apparente lorsque des membres bloquent les décisions. D'où l'urgence de revoir son mode de fonctionnement.

Il est clair que le seul moyen de faire pression sur Mugabe, c'est de refuser de le reconnaître. L'Afrique à travers ses structures politiques peut faire la démonstration qu'elle est en mesure de résoudre ses conflits soit par le biais du groupe influent des 14 pays constituant le SADC qui fonctionne plus par consensus, soit par le truchement de l'Union africaine qui regroupe tous les 53 pays de l'Afrique et qui requiert deux tiers des votes pour sanctionner un de ses membres. Sinon elle donnera l'impression que ses rouages sont inopérants. Ce qui crée des obstacles par moments est sans doute le fait que beaucoup de dirigeants de ce continent ne sont pas élus démocratiquement et ils se gardent donc de faire la leçon aux autres. L'initiative du Parlement panafricain doit être saluée car il a qualifié ces élections comme « ni libres ni équitables ».

Souhaitons que les images filmées en secret par Shepherd Yuda, un officier des services des prisons Zimbabwéen depuis de longues années, pour le compte du journal britannique « The Guardian » fassent activer les choses car elles apportent des preuves de fraude lors des récentes élections. Et étant donné les conditions dans lesquelles ces consultations populaires se sont déroulées, de nouvelles élections, sous contrôle international, s'imposent. Mais pour cela, il faudrait que tout le monde joue le jeu. Sinon on risque de se retrouver à la case départ.

Pour faire avancer le débat démocratique dans le monde, l'Ouest doit aussi faire son examen de conscience. Car le veto systématique des Etats-Unis pour protéger ses alliés à l'ONU, même ceux qui bafouent allègrement les droits les plus élémentaires comme Pinochet au Chili ou l'état hébreu par rapport à la création d'un Etat palestinien souverain et viable, n’est pas favorable à la cause démocratique. Dans ces circonstances, des états du continent africain et ailleurs doivent se dire pourquoi ils doivent se comporter en bons élèves alors que d'autres utilisent leur position de force pour piper les dés. En sus, la décision d'un consortium de l'Ouest d'exploiter des mines au Zimbabwe par ces temps troubles apporte l'eau au moulin des contradicteurs de l'Occident. L'attrait des gains pousse les entreprises à délaisser les principes qui fondent nos civilisations.

Maurice, quant à elle semble jouer aux équilibristes. D'une part, elle ne veut pas froisser ses acolytes au niveau des instances africaines pour ne pas se retrouver en porte à faux. D'autre part, elle ne peut se permettre de se mettre à dos ses partenaires traditionnels en Europe et ailleurs. Il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut pas non plus indéfiniment pratiquer l'attentisme car il y va de notre image, de notre crédibilité et des valeurs démocratiques auxquelles nous sommes attachées.