jeudi 1 novembre 2007

UE/Afrique : un couple en quête de renouveau

Marina Mielczarek, RFI, 30/10/2007

C’est sur fond de polémique autour de la participation du Zimbabwe que l’Union européenne a finalisé la liste des invités au prochain sommet UE-Afrique les 8 et 9 décembre à Lisbonne, au Portugal. Le président Mugabe recevra son faire-part au même titre que les autres. C’est ce mardi à Accra au Ghana, que les troïkas africaines et européennes ont mis fin aux bisbilles diplomatiques. Le Premier ministre britannique s’opposait à la venue de Robert Mugabe au même titre que la Suède, la Finlande et les Pays-Bas. La nécessité de jeter les bases d’un partenariat d’avenir a pris le pas sur la demande de nouvelles sanctions.

Deux jours pour changer les relations entre les deux continents. Le pari est lancé car « nous avons déjà pris du retard et il y a urgence», s’alertait mardi sur RFI le Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire. Pour Louis Michel, l’enjeu principal des 8 et 9 décembre prochains à Lisbonne consistera surtout à ne pas se faire couper l’herbe sous le pied.

La concurrence est rude, elle s’écrit avec un grand « A » comme Asiatique. Ils sont nombreux les eurodéputés spécialistes des relations internationales au Parlement de Strasbourg à regretter qu’un sommet Chine-Afrique ait déjà eu lieu et qu’un autre se prépare entre le Japon et le continent noir.

C’est pourtant l’Union européenne qui avait été pionnière en la matière en programmant dès l’an 2000 la première rencontre euro-africaine. La seconde devait avoir lieu en 2003 mais ce fut un rendez-vous manqué pour cause, là aussi, de présence zimbabwéenne. Face aux pays récalcitrants à voir débarquer sur le sol européen le président Robert Mugabe, Bruxelles avait finalement décidé d’ajourner le sommet.

Mais 2007 n’est pas 2003. Il n’était pas question de répéter le scénario. D’ailleurs, le Portugal, pays assurant la présidence tournante de l’Union européenne jusqu’en décembre prochain, déclarait il y a un mois travailler ardemment au plan diplomatique pour que personne n’abandonne sa place à la veille de la date prévue.

Ainsi, le 17 octobre dernier, José Sócrates, le Premier ministre portugais balayait les craintes britanniques en expliquant dans une interview donnée au magazine français l’Express que « même ceux qui expriment une légitime intransigeance sur la question des droits de l’homme peuvent comprendre que ce sommet est justement nécessaire à leur amélioration

Un programme taillé sur mesure

La question des libertés humaines sera donc au menu le mois prochain au même titre que le développement économique, les ressources énergétiques, l’investissement technologique, la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de la sécurité.

Promesse faite par Angela Merkel au président de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, lors de sa dernière tournée africaine il y a trois semaines : «L’un des objectifs de ce partenariat UE-Afrique est de montrer aux autres partenaires dans le monde, comme la Chine par exemple, que dans notre coopération avec l’Afrique nous devons tous adopter les mêmes règles et nous y soumettre afin que l’Afrique elle-même puisse en tirer le plus grand profit. L’accent sera mis sur la stabilité politique et la liberté de la presse. Tous les pays d’Afrique doivent être invités mais tous doivent également être prêts aux critiques».

En faisant directement référence aux devoirs démocratiques ainsi qu’aux matières premières, la chancelière allemande ouvrait là l’une des clés de ce sommet : ne pas laisser l’Afrique se faire piller ses richesses. Mais derrière se cache l’énorme appétit de l’Europe.

Avec 30% des réserves minières mondiales, notamment de l’or, du cobalt, du phosphate, du manganèse, du cuivre, le continent intéresse les plus grands groupes miniers de la planète. Une manne à laquelle s’ajoutent d’importantes réserves de gaz.

Face à la pénurie de ressources naturelles et à la hausse de la demande énergétique, le continent a de quoi faire monter les enchères.

Emancipation ou recolonisation ?

« Le fric arrive jusqu’en Afrique ! », pouvait-on lire dans le titre d’un grand quotidien français le mois dernier. Le sommet UE-Afrique s’annonce prometteur, exit l’afro-pessimisme des années 80, voici venu l’heure d’un avenir radieux. Mais entre la gourmandise chinoise et les envies du reste de l’Asie, l’Europe devra jouer des coudes.

Dans son dernier rapport, le Fonds monétaire international prévoit que la croissance du continent noir dépassera de deux points la croissance du reste du monde dès l’année prochaine. Un autre rapport international (CNUCED) montre que la Chine s’affirme aujourd’hui comme le principal banquier de l’Afrique en y injectant ses gigantesques surplus commerciaux.

L’empire du Milieu a lui-même de sérieux concurrents puisque les investissements étrangers dans l’ensemble du continent ont dépassé les 36 milliards de dollars l’année dernière. C’est deux fois plus qu’en 2004. L’Inde, le Mexique, le Brésil et la Malaisie sont sur les rangs, faisant la part belle aux principaux bénéficiaires, le Nigéria et le Soudan.

Mais attention à la gueule de bois, avertissent déjà les analystes financiers. La fulgurance de cet essor économique dissimule son immense fragilité. Si l’Union européenne appelle à la stabilité démocratique, la Chine y semble beaucoup moins attachée. Sans vouloir jouer les Cassandre, on peut parier que le moindre soubresaut sur le marché pétrolier ferait trembler un continent tout entier, faisant apparaître au grand jour d’énormes failles économiques et politiques.